Les objectifs principaux du programme définis en 1998 restent :
- Contacter une population d’usagers ayant peu ou pas de contact avec les structures de prise en charge existantes ou étant en rupture de soins.
- Améliorer l’accès à la substitution par la méthadone et par là, réduire les risques liés aux pratiques toxicomaniaques et notamment à l’injection. L’objectif n’est ni l’abstinence ni la maintenance.
- Améliorer l’accès aux filières de soins et aux structures de prise en charge sociale existantes.
Les objectifs secondaires :
- Permettre aux usagers le désirant d’entamer et de poursuivre un parcours de soins concernant leur toxicomanie.
- Permettre l’accès à du matériel de consommation stérile (matériel d’injection, embouts de pipe à crack, kits sniff)
- Proposer un dépistage facilité des hépatites (salivettes) et du VIH.
- Améliorer l’état de santé des personnes.
- Améliorer la qualité de vie des personnes.
Ces objectifs ont été et resteront pour 2005 les grands axes de notre travail. Depuis l’ouverture du programme, nous avons vu des variations dans les populations accueillies et dans les produits consommés, variations décrites en détail chaque année dans le rapport d’activité. Nous recevons de plus en plus d’étrangers en situation de grande précarité, venant d’Afrique en 1999 et à partir de 2001 d’Asie ainsi que des ressortissants des pays de l’Est et de l’ex-URSS. Les activités et les moyens.
1-L’activité du lieu fixe
Le lieu fixe 62 bis Avenue Parmentier dans le 11ème arrondissement est le centre névralgique de notre activité. Nous ne disposions que d’une seule pièce de consultation médicale et d’un seul bureau pour les 2 assistants sociaux et l’agent d’accès aux droits (ce dernier est détaché de l’A.D.S.P. par convention avec Médecins du Monde). Cette exiguïté des lieux ne rendait pas le travail facile au regard de la fréquentation. Depuis la fin du 1er trimestre 2004, nous occupons les locaux du deuxième étage, plus vastes, qui nous donnent de meilleures conditions matérielles d’accueil des patients et permettent d’élargir les possibilités de rendez-vous individuels. Nous avons ainsi pu développer l’accès aux soins somatiques grâce à l’équipe médicale constituée de 2.17 ETP médecins généralistes depuis 2003. Nous comptons également développer le volet dépistage notamment de l’hépatite C.
Les entretiens d’inclusion et de ré-inclusion
Ce lieu fixe est le siège des entretiens d’admission, des entretiens de réinclusions (lorsque les usagers sont absents depuis plus de deux mois) et des entretiens de suivi. Ces entretiens ont lieu tous les après midi, du lundi au vendredi, sans rendez-vous, de 14h à 18h (nous fermons à 19h). Ces entretiens nécessitent donc la présence tous les jours ouvrables d’au moins un médecin afin de primo-prescrire la méthadone et ensuite d’adapter la posologie.
Afin d’améliorer l’accès à la substitution par la méthadone, nous avons instauré une procédure d’admission simplifiée, rapide, centrée sur les consommations des usagers.
L’inclusion de l’usager se fait, sauf cas de force majeure, du lundi au vendredi, sans rendez-vous, au cours d’un entretien médico-social suivi d’un test urinaire minute réalisé sur place (Test recherchant la présence d’opiacés, de méthadone, de cocaïne et de benzodiazépines). Au cours de cet entretien, nous réalisons une évaluation des produits consommés, du parcours de l’usager, de l’état somatique et psychique, de la situation sociale. Cet entretien est souvent réalisé en binôme par un médecin et un accueillant ou un infirmier(ère). L’assistant social peut également être sollicité dans des cas précis et urgents.
Ce premier entretien nous permet de prendre en compte l’histoire particulière du sujet, d’appréhender ses demandes et simplement d’initier une relation. Une fois la décision d’inclusion prise, l’usager peut se rendre le jour même au bus pour recevoir la posologie de méthadone prescrite. Par la suite, il peut venir au bus quand il le souhaite. S’il est absent plus de deux mois, nous le considérons comme « perdu de vue » et nous lui imposons un entretien de réinclusion avant de retourner sur le bus.
Le tableau ci-dessous résume le nombre de ces entretiens au cours des années précédentes. :

En 2004, nous avons reçu comme chaque année entre 200 et 300 nouveaux patients, entre 80 et 120 patients réinclus ainsi que les 157 anciens patients toujours présents dans le programme au 31/12/2003. Au total c’est une file active de 500 à 600 patients pour l’année 2004. Si nous faisons une moyenne des files actives des trois dernières années, nous obtenons 554 personnes.
Les consultations sans rendez-vous
Nous recevons également sans rendez-vous les patients qui sont déjà inscrits dans le programme sur les même plages horaires que pour les admissions et 4 matinées par semaine. Cet accueil se fait à diverses occasions et entre autre pour permettre aux usagers le désirant d’entamer et de poursuivre un parcours de soins concernant leur toxicomanie. Nous proposons des entretiens individuels de soutien, des adaptations posologiques visant à une maintenance ou à une abstinence, des sevrages ambulatoires, l’organisation de sevrages hospitaliers et des séjours en postcure, une prise en charge sociale et des consultations juridiques.
Ces consultations concernent :
- Une demande d’orientation qui se fait au minimum au bout d’un mois de passages réguliers au bus. Orientation pour un relais méthadone soit dans un centre, soit chez un médecin généraliste si l’usager dispose d’une couverture sociale et qu’il peut gérer son traitement à la semaine. Cette demande est évaluée par un médecin et par un infirmier.
- Une demande d’augmentation du dosage avec mise en place d’un projet thérapeutique. Le contrat est alors signifié à l’usager par rapport à la fréquence des passages qui doit être d’un minimum de 5 fois par semaine lorsque la dose de méthadone est supérieure à 40 mg.
- Une demande de diminution du dosage avec mise en place d’un schéma de dégression en vue d’un sevrage ambulatoire ou hospitalier.
- Une mise en place et un suivi d’un sevrage ambulatoire.
- Entretiens visant à mettre en place les modalités d’un sevrage hospitalier. Prises de rendezvous.
- Des entretiens visant à mettre en place un projet de post-cure, de communauté thérapeutique ou de départ en famille d’accueil.
- Des entretiens de suivi hebdomadaires ou mensuels (souvent à la demande de l’usager).
- Des consultations médicales intervenant le plus souvent sur les conseils de l’équipe qui a dépisté un problème somatique lors des passages au bus.
- Des consultations avec le psychiatre afin d’évaluer les troubles psychologiques et éventuellement mettre en place un traitement adapté : antidépresseur, anxiolytique ou antipsychotique. Ces traitements sont alors délivrés quotidiennement sur le bus. Parfois l’usager est orienté vers une hospitalisation en psychiatrie.
- Des consultations de soutien psychothérapeutique.
- Des consultations sociales sans rendez-vous et sur rendez-vous.
- Des consultations juridiques les lundi et vendredi.
- Des prescriptions de méthadone en pharmacie pour quelques jours en fonction des déplacements des usagers, demandes plus importantes lors des périodes de vacances ou de fêtes.
- Des prescriptions hebdomadaires de méthadone pour quelques patients (pas plus de cinq). Ces patients sont des anciens du bus pour qui le lien avec l’équipe est important et pour lesquels nous avons accepté de continuer le suivi.
Nous recevons également sans rendez-vous les personnes pour des demandes de renseignements et des entretiens d’orientation.
Les consultations médicales et les entretiens psychologiques ont représenté 1591 actes sur l’année 2003 soit une augmentation de 31% par rapport à 2002. Nous n’avons pas encore comptabilisé les entretiens sociaux et juridiques qui représentaient 282 entretiens en 2002 (un mi temps AS et une conseillère juridique arrivée en fin d’année 2002).
Les activités du lieu fixe nécessitent la présence l’après-midi d’un accueillant pour gérer les demandes et la salle d’attente, d’un infirmier pour le suivi des usagers. Elles nécessitent également la présence sur le lieu fixe deux fois par semaine du psychiatre et des permanences sociales quotidiennes.
2- L’activité sur le bus
Le bus stationne tous les jours de l’année samedi et dimanche compris sur trois sites Parisiens avec une durée totale de 4 heures pour 6 heures de fonctionnement du fait des temps de déplacement. Nous sommes présents 1460 heures sur le terrain, c’est à dire la rue.
L’aménagement du véhicule comporte un espace accueil à l’avant, un espace de distribution au milieu où les patients sont reçus un par un, un espace arrière réservé aux entretiens.
L’équipe présente sur le bus comporte au minimum trois personnes dont obligatoirement un animateur de prévention/chauffeur (avec permis poids lourd) et un médical, médecin ou infirmier.
Il est préférable d’être deux à la distribution. Les usagers désirant un entretien avec le médecin ou l’infirmier(e) peuvent être reçus à l’arrière du bus mais uniquement lorsqu’un autre soignant peut continuer la distribution. Sinon, l’usager est dirigé vers le lieu fixe où il est reçu sans rendez vous.
Le travail sur le bus permet à chaque professionnel de rencontrer tous les usagers inscrits dans le programme, d’instaurer une relation de confiance dans une atmosphère conviviale, d’être vigilant quant à leur état de santé au sens large du terme. Les passages des usagers sur le bus, audelà de la distribution de la méthadone sont utilisés pour formuler des demandes sociales, médicales, juridiques qui sont prises en charge par l’équipe soit directement sur le bus, soit en entretien au lieu fixe.
Les spécificités du travail effectué sur le terrain sont représentées par les relations qui se créent avec les usagers dans un environnement qui est le leur, avec comme premier axe de travail, leurs comportements et pratiques. Il faut garder à l’esprit qu’une partie des usagers fréquentant le bus restent actifs dans leur consommation, pour un temps du moins.
Ces rencontres quotidiennes permettent de conseiller et parfois d’alerter les usagers sur leur état de santé. Nous rencontrons de grandes difficultés avec certains patients qui, tout en passant au bus tous les jours, refusent les propositions d’accompagnement pour consultation médicale, pour réaliser des examens complémentaires ou encore pour reprendre un suivi lors d’une pathologie avérée. Il est très difficile d’observer sans intervenir la dégradation d’une personne, qui chaque jour, se plaint de symptômes alarmants. Il faut alors trouver les mots pour convaincre et rassurer en évitant de braquer la personne dans ses angoisses. Notre intervention est parfois plus directive lors de suspicion de tuberculose pulmonaire, comme cela a été le cas plusieurs fois au cours des années passées. Nous organisons parfois des hospitalisations directement avec les services hospitaliers en accompagnant physiquement les usagers dans cette démarche.
Outre la méthadone, nous délivrons sur le bus, après consultation avec le psychiatre, un traitement psychotrope à certains usagers. Quarante patients en moyenne sur l’année bénéficient de ces traitements. Nous envisageons rapidement un relais vers une prise en charge plus contenante pour ces patients fragiles.
Comme chaque année depuis trois ans, nous organisons dans le bus plusieurs semaines d’information sur différents thèmes : dépistage VIH, VHC, VHB, modes de contamination et traitement de l’hépatite C. Les barrières de la langue sont ressenties profondément dans notre travail et le recours aux services d’interprétariat coûteux. Nous disposons maintenant de plaquettes de prévention en russe, polonais, mandarin, anglais éditées par l’INPES. Depuis octobre 2002, nous sommes aidés par des bénévoles parlant le mandarin et le cantonais, nous pouvons ainsi tenter de comprendre les situations complexes des usagers chinois.
Nous distribuons des KAP (trousse de prévention) sur le bus et des jetons pour les automates aux usagers qui le désirent. En 2003 nous avons distribué 2181 KAP soit 4362 seringues, des kits snif, des Stéricups, des embouts de pipe à crack, des préservatifs et des jetons pour les automates.
Depuis 2001, nous étendons ce travail de prévention aux usagers non inscrits dans le programme qui se présentent à la porte du bus ou que nous rencontrons sur les trottoirs. Sans devenir pour autant un programme d’échange de seringues, il nous semblait important d’élargir ce travail de proximité. Cette activité est surtout limitée au site du Boulevard Ney où une scène ancienne existe. Ces messages et ces outils de prévention ne sont pas des gadgets, ils permettent de contacter des usagers, de les informer et de répondre à leurs demandes.
Cette position « dans la rue » est aussi un point d’observation qui renseigne sur l’évolution des pratiques d’usage et l’apparition de nouveaux « risques ou dommages ».
3- L’articulation entre le lieu fixe et le bus
L’équipe du lieu fixe est en lien constant avec l’équipe du bus pour transmettre les informations et les modalités de prise en charge des patients. La réunion d’équipe du mercredi matin permet de faire une revue clinique des usagers inscrits et des contacts avec le réseau de soins. Les plannings sont faits en privilégiant toujours l’équipe du bus qui doit être composée d’au minimum trois personnes pour des raisons de sécurité. Les équipes tournent sur les deux lieux d’activité ce qui permet un travail cohérent et un suivi relationnel des usagers.
Les Ressources
Les ressources humaines
Nous disposons d’une équipe salariée de 12,34 etp composée de :
- un Médecin Directeur, Responsable de Mission pour 0,34 etp
- une coordinatrice médicale et administrative pour 1 etp
- 1 pharmacienne pour 0,33 etp
- 4 infirmiers dont 1 cadre infirmier pour 4 etp
- 1 médecin psychiatre pour 0,5 etp
- 2 médecins généralistes pour 1,17 etp
- 2 assistants sociaux pour 1 etp
- 4 animateurs de prévention/chauffeurs pour 3,5 etp
- 1 secrétaire pour 0,5 etp
et d’une équipe de 7 bénévoles dont 4 interprètes chinois et/ou russe pour recevoir une population qui n’est reçue nulle part en raison de problèmes de langue. Nous bénéficions également du soutien des différents services du siège de Médecins du Monde (Coordination Mission France, comptabilité, Direction des Ressources Humaines, Service administratif et juridique, logistique…).
Les contraintes à prendre en compte : le programme doit fonctionner 365 jours par an dans la rue. Parallèlement, nous tenons une permanence au lieu fixe 5 jours sur 7. En terme de ressources humaines, cela a des répercussions importantes. Il nous faut nécessairement avoir une partie de l’équipe sur le lieu fixe, dont au moins un médecin et un assistant social et avoir constamment un minimum de 3 à 4 intervenants sur le bus (dont au moins un médecin ou, un infirmier et un animateur de prévention/chauffeur).
Les ressources matérielles
- nous disposons d’un local, trop petit. Un déménagement interne est prévu d’ici la fin du trimestre ce qui nous permettra d’augmenter notre surface et d’optimiser les conditions d’accueil de nos patients.
- un bus, don de la RATP, que nous venons de réaménager entièrement
- un minibus, prêté par l’équipe du PES, indispensable en cas de panne de notre bus afin de ne pas interrompre notre présence dans la rue.
Conclusion
La file active est restée stable en cinq ans, aux alentours de 500 usagers. En 2002, nous soulignions plusieurs points chez les nouveaux inscrits : 65% des usagers s’inscrivent au programme, adressés par d’autres usagers, 18% ont moins de 25 ans, 47% sont de nationalité étrangère, 22% habitent en banlieue, 37% n’ont pas de couverture maladie. Sur le plan de leur parcours et de leurs consommations : 56% n’ont jamais été suivis auparavant, 66% n’ont jamais eu de contact avec un CSST et 60% achètent des médicaments au marché clandestin. Nous notons depuis deux ans une ré-augmentation notable des consommations de sulfate de morphine qui avaient diminué depuis 1998, une diminution des consommations de Subutex® et une augmentation de la méthadone disponible au marché clandestin. Sur le plan de leur santé, 82% des usagers ayant réalisé un test de dépistage pour l’hépatite C au cours de l’année se sont révélés positifs, comparé au 40% d’usagers déclarant à l’admission avoir un test négatif, la sous-estimation de cette pathologie est évidente. Nous avons le projet de donner la possibilité aux usagers d’effectuer un dépistage en utilisant des tests salivaires sur le bus.
Ce programme méthadone est mené auprès d’usagers qui, pour une large part, sont dans des situations de souffrance extrêmes. Souffrance psychique, souffrance sociale, souffrance somatique pour lesquelles nous proposons, par l’entremise d’un produit de substitution, des actions simples relevant du lien et s’appuyant sur le droit commun afin d’améliorer leur qualité de vie. Tout ce travail est réalisé dans des conditions elles-mêmes assez difficiles.
Bien que nous ayons développé des partenariats, la question récurrente de l’hébergement des usagers se pose chaque année de façon plus accrue avec 31% des 500 usagers de la file active sans domicile fixe. Le budget alloué à cet hébergement reste identique alors que le prix des hôtels augmente et que le logement devient de plus en plus problématique pour nos patients. Les bailleurs demandent de plus en plus de garantie et les personnes ne peuvent accéder à un habitat stable (versus hôtel meublé, squat, expulsion). Nous insistons sur ce point de l’hébergement qui est souvent le préalable logique à la mise en place d’un vrai projet d’insertion médico-social, cet hébergement doit être considéré comme un soin, soin nécessaire trop souvent interrompu pour des raisons financières.
L’histoire de certains usagers illustre bien l’intérêt d’un suivi au jour le jour : décompensation psychiatrique, apparition d’une alcoolisation massive ou d’une consommation annexe, apparition d’une pathologie somatique grave et contagieuse. Ce suivi permet également de prendre le temps nécessaire à la mise en place d’une hospitalisation pour sevrage et de trouver une place en post-cure, places de plus en plus difficiles à obtenir du fait des suppressions budgétaires.
Chaque année, nous constatons un pourcentage d’usagers perdus de vue, entre 23% et 27%. Une partie de ces usagers se réinscrivent dans le courant de l’année ou l’année suivante. Pour certains cette première demande de soins n’a pas abouti, elle a pu représenter un moment de répit ou un moyen de « calmer le jeu », utiliser la méthadone comme certains utilisent le sevrage. Pour d’autres, leur vulnérabilité, leurs difficultés mettent en échec toutes démarches et il serait intéressant de pouvoir les soutenir rapidement et efficacement grâce à des accompagnements et des prises en charge plus contenantes. Malheureusement, l’équipe du bus n’a pas toujours été suffisamment étoffée pour répondre à ces demandes. Pour débloquer les situations des plus précaires, il faut du temps et des moyens dont nous ne disposons pas toujours.
Le travail de réseau avec les autres centres méthadone et les structures sociales s’étoffe d’année en année et devient plus constructif. Il a permis une approche plus efficace des problèmes posés par les patients : population exclue, précaire et étrangère. L’intérêt de ces échanges réside également dans la possibilité de passer le relais pour un temps dans un autre centre, lorsque la prise en charge devient trop lourde et peut générer de la violence, violence de la part de l’institution et de la part du patient. Nous recevons de plus en plus de patients adressés dans ce cas par les centres (entre 10 et 15 par an). Certains centres ont, à juste titre, l’impression que le seuil de tolérance de notre équipe est plus élevé que le leur, qu’un patient qui « désespère leur équipe et qui a usé l’institution ne désespérera pas la nôtre ». Nous tenons à rappeler que chaque patient qui s’inscrit au bus est reçu comme sujet et écouté tous les jours de la semaine, 7 jours sur 7 toute l’année.
Nous tenons à attirer l’attention sur la problématique des usagers sans carte de séjour et parfois sans pièce d’identité, dont la situation administrative est bloquée et la situation sociale est extrêmement précaire. Ces personnes sont de plus en plus nombreuses et la prise en charge de leur toxicomanie est très illusoire. La seule façon de faire avancer leur situation est qu’elles puissent bénéficier d’une autorisation de séjour pour soins. Cette réponse est « réductrice », elle est médicale : au titre d’une pathologie grave, la situation administrative et donc sociale se débloque parfois et la prise en charge de la toxicomanie se noie. Médicalisation « forcée » d’un problème qui ne concerne pas uniquement le champ médico-social mais qui devrait interroger également le politique et le juridique. Les conditions de séjour des étrangers en France se dégradant d’année en année, nous pouvons craindre que ces populations laissées pour compte s’adressent de moins en moins à nos services. Quelle réponse pouvons nous apporter ? Est-ce que la force de nos témoignages pourra influencer sur les décisions de l’état ?
Structure intermédiaire, ce programme « bus méthadone » est une proposition de soins à un moment, une étape pour cette population en rupture sociale, en rupture d’appuis médicaux, et confrontée à l’intensité de sa toxicomanie. C’est un moment de soins avec ses limites thérapeutiques qui ne peut donc se prolonger.
C’est dans ce sens que ce temps thérapeutique est associé à une autre fonction : initialisation, propédeutique de soins avec proposition, négociation d’une demande de soin plus stable. Ce programme joue donc le rôle de passerelle vers d’autres prises en charge, d’autres moments thérapeutiques plus construits, plus pérennes.
Aller vers, au devant, stimuler la demande, et aider à entreprendre une démarche de soin et négocier cette demande pour qu’elle se concrétise ailleurs. Tout ceci définit la double fonction de ce programme.
C’est par l’existence de ces deux fonctions que le bus Méthadone peut se définir comme structure intermédiaire et non pas (seulement) comme structure de première ligne.