Introduction
En 2004 plus qu’avant, parce que peu à peu la toxicomanie et les toxicomanes ont changé, la prise de drogue s’apparente d’abord à une tentative d’automédication d’une psychopathologie, un moyen de prendre de la distance vis-à-vis d’une enfance détruite, ou aux deux.
La toxicomanie est moins une recherche de plaisir, qu’une tentative d’évasion, de détoxification du monde.
L’objectif du soin aux toxicomanes ne saurait donc se limiter à obtenir l’arrêt ou une meilleure gestion de prises anarchiques et nocives de substances psychoactives.
Il faudra aussi aider le patient à apprivoiser sa souffrance, ou à traiter sa pathologie psychiatrique. Cela suppose un accompagnement médical et éducatif.
Il faudra encore l’accompagner vers l’autonomie, ou mettre en place un soutien suffisamment contenant à long terme.
Tout cela demande beaucoup de temps.
La méthadone accompagne et facilite grandement ce lent processus. Elle pacifie les prises de produits, apporte un peu de calme dans une vie chaotique, offre des conditions propices au soin.
Ainsi, l’arrêt de la méthadone
- Ne sera jamais un objectif dans la prise en charge de la toxicomanie, simplement la conséquence de son évolution favorable
- Ne doit jamais intervenir prématurément
Quand entamer la décroissance puis l’arrêt de la méthadone ?
Les patients sentent fort bien quand ils peuvent se passer de l’aide de la méthadone.
Mais il n’est possible de déterminer ce moment avec le médecin, que si un lien de confiance durable a pu être établi, et si la notion d’alliance thérapeutique est bien comprise par les deux partenaires.
Lorsque la tentative d’arrêt est prématurée, la décroissance des doses est difficile et douloureuse. Elle risque fort de déboucher sur la reprise de la toxicomanie ou sur une alcoolisation de substitution. Bien souvent la seule solution consiste alors à revenir rapidement à la posologie initiale – ce qui sera souvent vécu par le patient comme un échec. En revanche, lorsque le moment est bien choisi, que le patient « sent » qu’il peut se passer à terme de méthadone sans risque, décroissance et arrêt sont indolores, voire faciles.
Comment diminuer puis arrêter la méthadone ?
Les conditions de l’arrêt de la méthadone dépendent des caractéristiques pharmacologiques de la molécule :
- Sa demi-vie est longue. Les signes de sevrage apparaissent donc plus tardivement, mais surtout de façon très durable, jusqu’à 2 mois pour certains sujets.
- Elle a un pouvoir agoniste µ puissant, et le patient a gardé pendant son traitement le niveau de dépendance qu’il avait acquis au cours de sa période de toxicomanie.
Il est donc à mon sens très difficile de pouvoir proposer un sevrage au cours d’une hospitalisation, sauf peut-être quand des posologies très faibles sont atteintes.
Le plus souvent, nous préférons proposer un sevrage ambulatoire, qui permet aussi d’accompagner progressivement le patient dans le changement de son économie interne et dans l’idée qu’il va « vivre sans »..
En pratique :
- Diminution de 10 mg par mois jusqu’à 30 mg
- Diminution de 5 mg par mois jusqu’à 20 mg
- Diminution de 2,5 mg par mois jusqu’à 10 mg
- Et enfin, diminution de 1 mg par mois
Bien entendu, ces modalités doivent être adaptées à chaque patient. Il ne saurait y avoir de recette unique. Le « mois » est une mesure subjective. Il peut durer 15 jours ou plusieurs mois selon les patients.
Quelques règles simples :
- Attendre 15 jours après le rétablissement d’un état de confort satisfaisant pour diminuer à nouveau la posologie. Le manque se manifeste habituellement par des crampes, des lombalgies, un besoin perpétuel de mouvement, souvent une asthénie, et bien sûr, une anxiété accrue.
- La sensation de manque n’est pas ‘dans la tête’. Elle est réelle, et insupportable à terme.
- La phase la plus difficile du sevrage se situe entre 5 mg et 0 mg. Elle peut être prolongée, il faut la respecter. Certains patients restent longtemps à 5 mg ou moins, voire même indéfiniment. Le médecin doit s’efforcer de les rassurer, ce n’est pas toujours aisé.
Pour mesurer 1 mg de méthadone, on peut s’aider des pipettes graduées délivrées avec les psychotropes en gouttes. Il est utile d’en avoir en stock pour pouvoir les donner aux patients.
- 30 gouttes correspondent à 1 mg de méthadone dans les conditionnements des flacons de 10 ou 5 mg (pas dans ceux de 40 ou 60 mg, qui sont plus concentrés),
- 15 gouttes correspondent à ½ mg de méthadone.
En guise de conclusion
Un sevrage réussi est un sevrage indolore
Un sevrage réussi est un sevrage accompagné
Un échec de sevrage n’est pas un échec
Un sevrage définitif est parfois impossible, ce n’est pas grave ! (mais le patient est rarement d’accord) Souffrir ne sert à rien.