La publication récente de cet article a attiré notre attention. D’abord, par la méthodologie qui a permis de recenser près de 3 500 patients sur une période de près de 10 ans (2001 à 2010). Ensuite, par la question qu’elle pose et à laquelle nous avons déjà tenté de répondre dans le passé.
Effectivement, l’arrivée en France de Suboxone®, association à dose fixe de buprénorphine et de naloxone, a suscité beaucoup de questions. Peu de preuves de l’intérêt de ce nouveau médicament ont été trouvées. C’est un médicament qui, malgré sa très large diffusion dans certains pays, n’a pas trouvé sa place en France à côté de la buprénorphine seule (Subutex® et ses génériques) ou de la méthadone. Quelques milliers de patients seulement.
Précisément, cette étude rapporte plusieurs résultats assez intéressants, voire surprenants :
- Si pendant la période sous traitement, les taux de mortalité des patients traités par buprénorphine seule ou association buprénorphine-naloxone sont comparables, ce même taux est plus d’une fois et demie supérieur dans le groupe association après l’arrêt de traitement ;
- Le taux d’hospitalisation pendant le traitement est également significativement plus élevé dans le groupe buprénorphine-naloxone ;
- Le taux d’hospitalisation en dehors des périodes de traitement (toutes causes confondues) ou en lien avec des prises de substances opioides/opiacées est lui-aussi significativement plus élevé dans le groupe association, laissant suggérer des reconsommations/rechutes plus fréquentes dans ce groupe.
Les auteurs concluent que l’ajout de naloxone à la buprénorphine n’améliore pas le profil de sécurité de la buprénorphine quand elle est seule. Le plus inquiétant dans cette étude est le taux de mortalité post-traitement qui est plus élevé avec l’association buprénorphine-naloxone. Dans la discussion, les auteurs avancent l’hypothèse selon laquelle cette surmortalité pourrait être liée à la naloxone elle-même. En effet, l’exposition prolongée à des faibles doses de naloxone rendrait l’individu plus sensible au risque d’overdose en cas de reconsommation après l’arrêt du traitement (upregulate opioid receptors or limit the downregulation of the opioid receptors that occurred with the prolonged use of BUP). Cela rappelle que la naloxone est bien absorbée par voie sublinguale et pas seulement par voie injectable. Un patient avec une posologie journalière de 12 mg de buprénorphine associée à 3 mg de naloxone absorbe environ 0,3 mg de naloxone. C’est la biodisponibilité de la naloxone par voie sublinguale.
A moins qu’il s’agisse, autre hypothèse de ce taux de mortalité plus élevé, d’un biais de recrutement évoqué lui-aussi par les auteurs.
Dans le prochain Flyer, un article plus documenté, actuellement en préparation, traitera de ce sujet.