J’ai reçu récemment (décembre 2011) une lettre cosignée par le médecin-conseil de la CPAM de l’Aube et des CSAPA de Carcassonne et Narbonne.
Elle est publique, puisqu’elle est adressée à tous les médecins généralistes du département et je vous la transmets pour information. J’y ajoute ce commentaire pour publication. En italique, figurent les extraits de la lettre.
Ce courrier nous apprend, chose très positive, que l’assurance maladie, faute de pouvoir connaître les prescriptions des médecins des CSAPA, (où, rappelons-le, les médicaments délivrés passent par le circuit d’une pharmacie à usage interne) surveille de près les prescriptions de TSO et établit un ‘palmarès’ des médecins prescripteurs. On peut donc l’interpréter comme une aide aux prescripteurs.
Il faut également féliciter ici un médecin-conseil de reconnaître que la buprénorphine est utilisée dans 25 à 30% hors AMM par les assurés sociaux ayant recours à la voie injectable, notion très différente de celle qui aurait consisté à dire les MG prescrivent la buprénorphine dans 25 à 30% hors AMM.
Le côté négatif du courrier est l’aspect ‘retape’ vers les CSAPA, dont les praticiens se disent « disponibles pour initier un traitement par méthadone ». Certes, les patients injecteurs constituent une population à haut risque en termes de morbidité (« il s’agit d’un facteur de risque indéniable dans l’apparition d’une overdose »), mais cette notion est bien connue des MG prenant en charge des patients dépendant des opiacés.
A la lecture de ce courrier, on peut s’interroger pour savoir si c’est bien le manque de patients dirigés vers ces CSAPA qui est pointé du doigt ? Et si cela est le cas, est-ce que ces praticiens qualifiés « d’experts », comme nos handballeurs nationaux, se sont posés la question de leurs rapports avec les médecins libéraux ? (« Au-delà du non respect d’AMM, les experts consultés estiment que cela peut signer un mésusage (injection-sniff) et que ces patients constitueraient une bonne indication pour la méthadone »).
Et pourquoi les patients ne vont-ils pas spontanément dans les CSAPA de l’Aude, département où il n’y a que 20 % de patients sous méthadone, soit 15 points de moins que la moyenne nationale ? Ce point devrait interpeller et appeler à des réponses qui ne sont pas uniquement basées sur les choix faits par les généralistes libéraux ni sur ceux des usagers concernés.
Comme l’écrivent très justement, presque en réponse anticipée à ce courrier, dans le FLYER n°45, Jean-Philippe LANG d’une part :
« Nous devrions aujourd’hui, sans les rendre systématiques, généraliser nos partenariats et développer des « pratiques de soins intégrées » pour que les différents champs de compétences requis (addictologiques, psychiatriques, neuropsychologiques, psychosociaux, somatiques…) puissent facilement s’articuler entre eux de façon cohérente (et non co-errante) et rendre ce parcours de soin en lui même structurant et psychothérapique pour l’usager. »
et Xavier AKNINE d’autre part :
« … le renforcement du lien CSAPA-MG me semble indispensable pour éviter l’isolement et l’épuisement des MG qui se plaignent dans cette étude du manque de retour des CSAPA : pas de réponse aux courriers des MG, pas d’information sur le devenir du patient. Ce constat doit nous interpeller sur notre pratique en CSAPA. Il n’est pas acceptable d’ignorer le MG en tant que soignant du patient usager de drogues. Dans combien de CSAPA, le nom du médecin traitant n’est pas noté dans le dossier quand la question n’est pas même posée au patient lors de l’entretien initial ? »
Il serait bon de réfléchir à un vrai partenariat, qui, au delà d’un échange épistolaire que l’on pourrait qualifier de maladroit, fixe un cadre de soins respectant le travail de chacun.
Commentaire de Xavier AKNINE, membre du Comité de Lecture du Flyer et co-destinataire du courrier envoyé par mail à la rédaction du Flyer
La lecture du courrier de la CPAM, commenté ici, m’a agacé sérieusement car elle nie le travail clinique de fond assuré auprès des patients UD recevant des MSO, par de nombreux MG, même si ces derniers ne sont pas assez nombreux.
Il faudrait rappeler à la CPAM que la prise de plusieurs comprimés de BHD à 2 mg dans la journée ne correspond pas forcément à du sniff ou à de l’injection. Dans mon expérience, beaucoup d’usagers mésuseurs de BHD préfèrent la forme 8 mg, plus soluble dans l’eau et donc plus facile à injecter.
Les multi-prises de 2 mg correspondent en général à des patients anxieux, ressentant le besoin d’une prise le midi et/ou le soir et qui ont encore besoin de temps et d’accompagnement pour parvenir à se stabiliser à une monoprise voire une bi-prise.
Sur l’orientation vers les CSAPA, le courrier a un ton désobligeant pour les MG prescripteurs de MSO qui connaissent parfaitement le circuit de soins en addictologie. La CPAM aurait été mieux inspirée d’organiser une rencontre avec tous les acteurs : MG, pharmaciens d’officine, CSAPA, CAARUD pour faire un point sur les traitements de substitution dans le département avec des données chiffrées par bassin de population.
Cela aurait permis un échange direct qui respecte chacun(e) et qui aurait été beaucoup plus fructueux pour tout le monde, à commencer par les bénéficiaires des traitements, également assurés sociaux en l’occurrence.