Fréquence de survenue de la prise de poids
Lors de la mise en place d’un traitement de substitution opiacée par la méthadone, de nombreux patients font état d’une prise de poids. Dans la littérature, certains auteurs parmi lesquels Bruno Ressuche (1) (Flyer n°12) notent qu’elle survient de manière fréquente, voire systématique.
Il rappelle également que la dépendance à l’héroïne induit un état de dénutrition lié au mode de vie et au faible niveau d’insertion sociale.
Dans ce contexte, la prise de poids consécutive à la mise en place du traitement ne semble pas surprenante.
Par ailleurs, la consommation d’opiacés semble générer chez certains patients un craving pour les aliments sucrés (2).
Durant le suivi, la prise de poids est particulièrement visible le premier mois puis se stabilise dans le temps. Elle est, de ce fait, fréquemment imputée à la méthadone et semble plus marquée en cas de consommation concomitante de substances psychoactives.
Une étude, menée en 2008 par Okruhlica et al. (3), a cherché à évaluer cette prise de poids survenant sous méthadone. Les auteurs ont effectivement constaté une augmentation de l’IMC des patients entre le moment de l’instauration de la méthadone et un an plus tard.
L’étude a également pour intérêt d’avoir apporté des éléments de comparaison avec la population générale : les patients en traitement de maintien par la méthadone, bien qu’ayant un IMC globalement similaire à celui de la population générale, seraient moins fréquemment obèses ou en surpoids.
Toujours dans cette étude, les auteurs concluent que la prise de poids n’est pas un effet secondaire pouvant être imputé directement à la méthadone. Après évaluation objective, la prise de poids était attribuée aux modifications des conditions de vie survenant lors de l’instauration du traitement (suite à l’amélioration de l’alimentation par exemple…)
En complément, il est important de préciser que certaines observations (Longwell et al.) ont signalé un effet indésirable rare : une rétention hydrosodée potentiellement responsable de prises de poids spectaculaires qui, dans ces cas, se traduisent par des signes spécifiques (œdèmes, signe de la bague…).
Prise en soin – recherche des facteurs causaux
La prise de poids, sans être un effet secondaire direct du traitement, doit être questionnée car elle peut être à l’origine d’une demande d’arrêt prématuré de la méthadone. Dans le cadre du suivi, toute prise de poids inattendue, trop rapide ou en dehors des valeurs normales nécessite une évaluation.
Différentes pistes pouvant être explorées :
- Effectuer une enquête alimentaire à la recherche de facteurs liés au mode de vie est prioritaire : Le patient a-t-il un régime alimentaire équilibré ? A-t-il des horaires de repas réguliers ? Consomme-t-il des aliments sucrés en grande quantité ?
- Préciser la consommation d’alcool : le patient a-t-il une consommation d’alcool persistante ? (il est parfois fréquent d’entendre des patients imputer une prise de poids à la méthadone, alors qu’ils ont une consommation excessive d’alcool, plusieurs bières par jour par exemple)
- Evaluer la consommation de cannabis, pour son effet orexigène
- Evaluer la sédentarité : le patient pratique-t-il une activité physique, même modérée ?
- Explorer les antécédents familiaux (surpoids chez les parents, dans la fratrie…)
- Rechercher d’éventuels troubles hormonaux et métaboliques
- Prendre en considération les traitements concomitants, souvent responsables de prises de poids : neuroleptiques, corticoïdes, anti-hypertenseurs…
Le sucre présent dans le sirop de méthadone est un autre paramètre qui est parfois évoqué comme pouvant être à l’origine de la prise de poids : d’après les mentions légales de la méthadone, AP-HP, un flacon de 15 ml dosé à 60 mg de méthadone contient 9 g de saccharose soit l’équivalent de 2 morceaux de sucre.
L’apport calorique correspondant ne fait pas du sucre présent dans le sirop de méthadone un facteur central, même s’il doit être pris en compte.
Cela ne remet donc pas en cause la pertinence d’effectuer en premier lieu une enquête alimentaire permettant de préciser les facteurs liés au mode de vie pouvant être responsable de la prise de poids, plus sûrement que l’apport en sucre d’une prise de sirop de méthadone.
Une personne qui consomme plus de 3 à 4 verres d’alcool par jour, qui a une alimentation déséquilibrée (trop sucrée, trop grasse) et qui est sédentaire (pas ou peu d’activité physique) met toutes les chances de son côté dans une prise de poids, qu’elle prenne ou non de la méthadone !
Mais il est probablement plus facile d’incriminer le médicament prescrit par le médecin que de remettre en cause des habitudes alimentaires, un style de vie et des consommations excessives.
Il faut noter également que nous constatons parfois des pertes de poids au cours du traitement qui ne font alors l’objet d’aucune plainte ni de déclaration de pharmacovigilance et qui sont donc plus ‘silencieuses’. A consulter également les échanges très instructifs d’usagers de drogues ou de TSO sur le forum psychoactif (http://www.psychoactif.fr/forum/t3489-p1-Perte-poids.html).
Bibliographie
- (1) Ressuche B et al. Etude des variations de poids sur 12 mois d’une population d’héroïnomanes susbtitués par le chlorhydrate de méthadone. Le Flyer n°12, avril 2003.
- (2) Charnock S, Owen S, Brookes V, Williams M. A community based programme to improveaccess to dental services for drug users. Br Dent J 2004; 196: 385″388.
- (3) L.Okruhlica and S. Slezakova. Weight gain among the patients in methadone maintenance program as comeback to population norm. Cas Lek Cesk, January 1, 2008; 147(8): 426-30.
- (4) B. Longwell et al., Weight Gain Edema on Methadone Maintenance Therapy. The International Journal of the Addictions, 1979.