Un sujet d’actualité politique
C’est un sujet d’actualité politique brûlant en France, avec des camps opposés campant largement sur leurs positions. D’un coté certaines communes (dont Marseille et Paris) demandent à expérimenter ces projets et sont soutenus par une expertise INSERM, par un prix Nobel français et par la ministre de la santé de l’époque.
D’un autre coté, différents médecins universitaires y sont farouchement opposés et plusieurs personnalités politiques de premier plan, dont le premier ministre, les jugent « ni utiles ni souhaitables ».
Recherches sur l’évaluation de la pertinence clinique et économique
C’est à la fois une préoccupation de la société, pour laquelle chaque citoyen – et chaque politique – peut donner un avis, mais également une réponse (bonne ou mauvaise) à un problème de santé publique, pour laquelle une expertise médicale et scientifique est bienvenue.
Pour cela, Thomas Kerr coordonne depuis plusieurs années l’ensemble des travaux de recherche portant sur le premier site d’injection supervisée nord-américain, à Vancouver (Canada).
Leurs travaux portent notamment sur l’évaluation de la pertinence clinique et économique des sites d’injection supervisée et a bénéficié d’une très large couverture dans les journaux médicaux de haut niveau. Leur dernière publication importante, parue dans le prestigieux Lancet, a évalué l’impact de l’implantation du centre de Vancouver sur la mortalité par overdose dans la région. Ce travail utilise une méthodologie statistique complexe, tenant compte de la distance des décès par rapport au centre d’injection supervisée, ainsi que de la densité de la population locale et des variations de celle-ci.
Diminution de la mortalité par OD autour du centre
Leur élégante étude montre une diminution de 35,0% (intervalle de confiance (IC : 0,0%–57,7%) de la mortalité par overdose autour du centre (dans un rayon de 500 m) et une stagnation de la mortalité au-delà de ce périmètre (9,3% (IC : 19,8%-31,4%). Des travaux préalables avaient permis de montrer que la majorité des usagers de ce centre (plus de 70%) vivent dans un rayon de 500 m autour de celuici.
Ainsi, après avoir montré une diminution du risque de contamination par le VIH, un rapport coût/efficacité adéquat, une diminution de l’usage de drogue dans la rue et une augmentation de la prise en charge médicale de leurs usagers, l’équipe de Thomas Kerr montre que la création d’un centre permet de diminuer la mortalité par overdose des usagers de drogue, et ce à travers une étude peu discutable sur le plan de la rigueur méthodologique.
Demeure la décision politique
La décision d’ouvrir une salle d’injection supervisée en France reste ainsi une question essentiellement politique, puisque les preuves de son intérêt en termes de santé publique comme en termes économiques atteignent un niveau qui a rarement été démontré en addictologie.
Il reste à décider de l’ouverture et surtout du caractère pérenne d’un éventuel financement, ainsi que de celui d’une équipe de recherche associée au centre. C’est probablement le seul moyen de parvenir à égaler le centre canadien et ses bénéfices pour la population.