Il existe un long débat sur les vertus d’un verre de vin ou, plus généralement, d’une consommation d’alcool modérée sur la santé. D’anciennes études et la tradition populaire, surtout dans les pays producteurs, affirment que le vin est ‘bon pour le cœur’. D’autres publications incitent à penser que boire de l’alcool, à partir d’une consommation faible, peut augmenter les risques de cancer.
Alcool et maladies cardiovasculaires
C’est donc avec intérêt que nous avons regardé, en premier lieu, les résultats d’une étude publiée très récemment dans le BMJ. C’est une équipe de l’université de Cambridge associée à des chercheurs de l’University College de Londres qui a observé le lien entre la consommation d’alcool et 12 différentes maladies cardio-vasculaires en analysant les données de près de 2 millions d’hommes et de femmes britanniques, tous âgés de plus de trente ans.
La publication intégrale est consultable sur le lien suivant
Ils se sont intéressés principalement à leur consommation d’alcool à partir de cinq ans avant l’étude, et ont pris en compte, pendant six ans, s’ils avaient eu des attaques cardiaques, des AVC, ou d’autres problèmes cardiaques.
Ils ont établi que les adultes ne consommant pas d’alcool avaient 32 % de risques de plus que les buveurs modérés d’avoir une crise cardiaque, 56 % de risques en plus de faire une crise cardiaque fatale, 56 % de risques en plus de mourir des suites d’une maladie coronarienne, et 24 % de risques en plus d’insuffisances cardiaques.
La consommation modérée est estimée entre 8 et 14 verres par semaines, ce qui revient à un verre de vin par jour ou à une pinte de bière légère.
Au-dessus de cette quantité et en buvant beaucoup, les risques de problèmes cardio-vasculaires augmentent : de 22 % pour les insuffisances cardiaques, tandis que les risques d’AVC sont plus élevés de 33 % et les risques d’arrêt cardiaque de 50 %.
Comparée à l’abstinence, « une consommation modérée d’alcool serait donc associée à un risque moindre de développer certaines atteintes cardiovasculaires, comme l’angine de poitrine, l’arrêt cardiaque et l’AVC ischémique », expliquent les scientifiques qui ont publié cette étude.
Mais, « comparés aux buveurs modérés, les gros buveurs présentent certes un risque cardiovasculaire élevé, concernant notamment l’infarctus du myocarde, l’AVC et l’arrêt cardiaque. Mais ils seraient aussi moins touchés par une angine de poitrine. Ce qui ne veut évidemment pas dire que les gros buveurs ont un risque zéro de souffrir d’une attaque cardiaque un jour ».
« C’est la première fois qu’une étude de telle ampleur se concentre sur ce sujet ». Mais ce travail reste « observationnel et ne permet en aucun cas de conclure à un lien de cause à effet direct entre une consommation modérée d’alcool et un risque moindre de souffrir d’une maladie cardiovasculaire. Il serait imprudent de considérer cette habitude comme facteur protecteur », nuancent ainsi les scientifiques.
« Mieux vaut privilégier des habitudes plus saines comme la pratique régulière d’une activité physique et l’arrêt du tabac », concluent-ils.
« Il y a probablement des moyens plus prudents et plus efficaces de réduire les risques cardiovasculaires (…) qui ne comportent pas des risques plus élevés de problèmes liés à la dépendance alcoolique, aux maladies du foie et au cancer», a déclaré Steven Bell, l’auteur principal de la publication.
L’alcool augmente le risque de cancer de la prostate
En second lieu, nous nous sommes intéressés également à cette publication récente.
Il existe désormais une nouvelle preuve de l’association entre la consommation d’alcool et le risque de cancer de la prostate, si l’on en croit les auteurs de la dernière méta-analyse sur le sujet.
En effet, une équipe composée de chercheurs australiens et canadiens rapportent, pour la première fois dans une méta-analyse, les constats d’une relation dose-dépendante entre quantité d’alcool consommé et risque de cancer de la prostate, démarrant dès une faible consommation.
Comparée à des sujets abstinents d’alcool, les faibles consommateurs (jusqu’à 2 verres par jour) ont un risque augmenté (+ 8%) de cancer de la prostate (relative risk [RR] = 1.08, P < .001). Les consommateurs modérés (jusqu’à 4 verres par jour) ont, quant à eux, un risque augmenté de 7% (RR = 1.07, P < .01). Les gros consommateurs (jusqu’à 6 verres par jour) voient leur risque augmenté de 14% (RR = 1.14, P < .001) et de 18% pour les très gros consommateurs (RR = 1.18, P < .001).
Le niveau de risque estimé était ajusté en fonction de différentes variables d’analyse, dont la consommation de tabac. Au final, il y a un effet dose-dépendant chez les buveurs concluent Tim Stockwell, directeur du Centre de Recherche sur les Addictions de l’université Victoria de Colombie Britannique, et ses collègues.
Cette nouvelle analyse a inclus 27 publications et a été publiée en ligne sur le BMC Cancer et peut être consultée sur le lien suivant
« Le cancer de la prostate devrait être intégré dans les estimations futures du fardeau de la maladie aux côtés d’autres cancers (sein, poumon, œsophage, colon, foie..) » écrivent les auteurs, pour lesquels l’alcool est un facteur de risque bien établi.
Ces 2 publications récentes confirment que la consommation d’alcool peut à la fois présenter des risques à partir d’un niveau très faible et en même temps avoir un effet protecteur sur certaines pathologies cardio-vasculaires, même si ce second point mérite d’être encore approfondi.
Recommandations
Il faut noter également la publication des récentes recommandations (mai 2017) sur les conseils à délivrer au grand public en termes de consommation d’alcool par un groupe d’expert réunis sous l’égide de Santé publique France et l’Institut national du cancer (INCa), disponibles dans leur intégralité sur le lien suivant :
Ces recommandations françaises mettent à mal les fameuses recommandations de l’OMS qui datent de trop longtemps et dont on sait qu’elles ont été définies de manière très empiriques, c’est le moins que l’on puisse dire.
Elles sont reprises ici :
Les risques liés à la consommation d’alcool pour la santé au cours de la vie augmentent avec la quantité consommée ;
- à long terme, la consommation d’alcool est une cause de morbidité et de mortalité pour certaines maladies chroniques comme la cirrhose, certains cancers comme ceux des voies aérodigestives, du foie et du sein et certaines maladies cardiovasculaires, comme l’hypertension artérielle (HTA) et l’accident vasculaire cérébral (AVC) ;
- à court terme, la consommation d’alcool est responsable de traumatismes intentionnels et non intentionnels, notamment des accidents pouvant causer des blessures (et la mort dans certains cas), la mauvaise évaluation des situations à risque et la perte du contrôle de soi. C’est en particulier vrai en cas de consommation ponctuelle importante.
Si vous consommez de l’alcool, il est recommandé pour limiter les risques pour votre santé au cours de votre vie :
- de ne pas consommer plus de 10 verres standard par semaine et pas plus de 2 verres standard par jour ;
- d’avoir des jours dans la semaine sans consommation.
Et pour chaque occasion de consommation, il est recommandé :
- de réduire la quantité totale d’alcool que vous buvez ;
- de boire lentement, en mangeant et en alternant avec de l’eau ;
- d’éviter les lieux et les activités à risque ;
- de s’assurer que vous avez des gens que vous connaissez près de vous et que vous pouvez rentrer chez vous en toute sécurité.
Pour les femmes qui envisagent une grossesse, qui sont enceintes ou qui allaitent : pour limiter les risques pour votre santé et celle de votre enfant, l’option la plus sûre est de ne pas consommer d’alcool.
Pour les jeunes et les adolescents : pour limiter les risques pour votre santé, l’option la plus sûre est de ne pas consommer d’alcool.
D’une façon générale, l’option la plus sûre est de ne pas consommer d’alcool en cas :
- de conduite automobile ;
- de manipulation d’outils ou de machines (bricolage, etc.) ;
- de pratique de sports à risque ;
- de consommation de certains médicaments ;
- de l’existence de certaines pathologies.
Il faut noter qu’on autorise une alcoolémie à 0,5g/l ou à 0,2 g/l pour les détenteurs d’un permis de moins de deux ans, alors qu’il existe un sur-risque entre 0 et 0,5g/l.
Pour résumer…
Les conclusions de ces études ainsi sur les recommandations permettent la diffusion de message d’information, et donc de prévention à destination des usagers eux-mêmes, basée sur une connaissance réelle des risques et bénéfices des substances qu’ils consomment. Ceci est valable pour toutes les substances dont l’alcool. Seul, un usager bien informé peut s’impliquer réellement dans un changement concernant sa consommation et être l’acteur principal de ce changement. Même si cela, hélas, n’est pas toujours suffisant.