Cocaïne & Crack
Qu’est-ce que c’est ?
Le chlorhydrate de cocaïne ou « cocaïne » se présente sous la forme d’une poudre blanche, le plus souvent sniffée, mais que certains fument (déposée sur une cigarette) ou injectent (dissous dans l’eau).
Le chlorhydrate de cocaïne peut être « basé » après adjonction d’eau et d’une base (ammoniaque ou bicarbonate de sodium), il précipite alors en un résidu solide que l’on nomme crack, cocaïne basée ou free base. Fumé à l’aide d’une pipe, il est plus rarement injecté (cf partie 3 – chapitre 1 « Modes d’administration des drogues et outils de RdR »).
Après avoir été restreinte à certaines populations, la consommation de cocaïne touche aujourd’hui l’ensemble des milieux sociaux (évolution des représentations, prix faibles, disponibilité et accessibilité élevées).
Les délais d’apparition des effets dépendent du mode de consommation
Fumé à l’aide d’une pipe (crack), ses effets sont rapides, début : en quelques secondes, pic en 1 à 5 minutes pour une durée de 20 minutes. Injecté, le délai et la durée seront un peu plus longs et le pic un peu moins intense. Sniffé, le début survient en quelques minutes, le pic en 20 à 40 minutes, pour une durée de 90 minutes.
Les effets et méfaits de la cocaïne
La cocaïne est un stimulant majeur dont les principaux effets sont une euphorie, un sentiment de toute-puissance intellectuelle et physique, une indifférence à la douleur ou à la fatigue accompagnée d’une mydriase (dilatation de la pupille).
Les principaux méfaits sont une « redescente » prononcée et désagréable, des troubles cardiovasculaires pouvant entraîner la mort par surdose, des troubles psychiques (insomnies, pertes de mémoire, instabilité d’humeur, délires paranoïdes, attaques de panique, psychose cocaïnique) « Délire de persécution associé à des hallucinations tactiles et/ou visuelles (impression de voir ou sentir des parasites sous la peau). »
Les lésions de la cloison nasale par sniffs répétés peuvent aller jusqu’à la nécrose. La levée d’inhibition peut conduire à des actes de violence, des agressions sexuelles, des dépenses compulsives, etc. ; la sensation de « toute-puissance » pouvant engendrer des passages à l’acte.
La dépendance est forte, le craving marqué et très difficile à apaiser.
Les effets et méfaits du crack
Le crack induit les mêmes effets et méfaits que la cocaïne mais d’intensité plus forte et de durée plus courte. Il faut ajouter de graves altérations des voies respiratoires, des états d’épuisement physique et psychique avec altération de l’état général, des lésions cutanées (aux mains et aux lèvres liées aux pratiques de consommation, aux pieds liées au mode de vie des plus précaires) et une neurotoxicité (dégénérescence neuronale rapide).
Cocaïne et crack: quelques repères pour réduire les risques et messages clés
Avec la cocaïne et ses dérivés, la stratégie de réduction des risques doit tenir compte de leur intensité d’action et de la diversité des risques pris par les usagers.
Risque infectieux
Le risque infectieux est souvent méconnu chez les usagers de cocaïne. Quel que soit le mode de consommation utilisé (sniffé, fumé, injecté), l’usage unique et personnel du matériel de consommation doit être la règle. Cette règle s’étend à tous les outils utilisés (miroir, carte, paille, pipe à crack, seringue, petit matériel d’injection, etc.).
Composition
La teneur moyenne en cocaïne sur le marché français est d’environ 20 % (OFDT, 2006). Les 80 % restant sont des produits ayant une activité pharmacologique propre (phénacétine, lévamisol, paracétamol, lidocaïne, etc.) ou des diluants (sucres, etc.) pouvant avoir une incidence sur la santé de l’usager. La teneur en chlorhydrate de cocaïne et la composition varient d’un échantillon à l’autre, y compris sur un même lieu de vente. Seule une analyse toxicologique permettrait de les connaître et de diminuer de nombreux risques (liés à la polyconsommation, aux surdoses, à la toxicité propre des produits de coupe, etc.).
Sniffer une petite quantité (bien inférieure à la quantité usuelle) permet une première évaluation de la puissance du produit. Certains usagers « basent » la cocaïne pour en évaluer la teneur. Cette pratique n’est qu’approximative (de nombreux produits de coupe sont retrouvés dans la cocaïne base) et peut favoriser le passage à des consommations par voie fumée.
La cocaïne basée
De nombreux usagers consomment aussi la cocaïne par voie fumée (après l’avoir basée ou achetée directement dans la rue sous forme de crack). « En France métropolitaine et jusqu’à ce jour, la revente de crack dans la rue n’est observée qu’à Paris. Elle est plus répandue dans les Antilles. Le prix de revente à l’unité, bien inférieur à celui de la cocaïne, est un facteur primordial de sa diffusion qui doit être pris en compte pour une prise en charge pertinente des usagers. »
Les risques liés à la voie fumée étant supérieurs au sniff (craving et dépendance plus forts, dommages physiques et psychiques plus importants, etc.), le recours à cette voie de consommation doit être évité.
Dans le cas contraire, l’utilisation de matériel de consommation à usage personnel et unique doit être recommandée afin notamment d’éviter le risque infectieux. « Plus de 70 % des usagers de crack du Nord Est parisien sont contaminés par le virus de l’hépatite C (Jauffret-Roustide et al., 2004). »
Lorsque l’usager base lui-même la cocaïne, l’utilisation du bicarbonate de sodium, moins toxique que l’ammoniaque, doit être favorisée. Lorsque l’usager ne veut ou ne peut utiliser que l’ammoniaque, rincer plusieurs fois le « caillou » obtenu après « basage » permet de diminuer la quantité d’ammoniaque que l’usager va absorber.
Enfin, il est important de conserver l’ammoniaque dans sa bouteille d’origine et à l’écart des autres personnes afin d’éviter les ingestions accidentelles.
Complications psychiatriques
La consommation régulière et/ou en grande quantité de cocaïne peut induire des complications psychiatriques parfois difficiles à gérer (psychoses cocaïniques, attaques de panique, etc.).
La redescente, sensation pénible, provoque une irritabilité et des altérations de l’humeur pouvant induire des états dépressifs, parfois graves (avec idées suicidaires).
Un bon état physique (pas de sensation de fatigue), psychique (pas de traitement psychiatrique en cours, pas de mal-être ou malaise) ainsi qu’un contexte rassurant (personnes de confiance), permettent de réduire ces risques.
Sexe et cocaïne
La consommation de cocaïne pouvant être appréciée pour ses propriétés stimulantes, y compris sur le plan sexuel, il est utile d’en rappeler les risques. L’augmentation des risques cardiovasculaires (liés à l’effort physique), le retard d’éjaculation, l’impuissance, la sécheresse des muqueuses sont d’observation fréquente et doivent inciter les usagers à la prudence quant à l’utilisation de ce produit dans ce contexte.
L’utilisation de gel lubrifiant, en plus du préservatif, permet de réduire les risques infectieux (diminution de l’incidence d’apparition de lésions, diminution des risques de ruptures du préservatif).
Surdoses
Le risque de surdose peut survenir quel que soit le mode de consommation choisi, mais il peut être hiérarchisé ainsi : inhalation ~ injection > intranasale.
D’autres facteurs accroissent le risque de surdose : la grande variabilité de composition, le caractère compulsif des consommations (difficulté à maîtriser les quantités), l’impression de toute puissance, les polyconsommations (notamment avec l’alcool).
En plus des conseils classiques de RdR (ne jamais consommer seul, éviter les mélanges, fractionner les prises), savoir reconnaître les signes d’une surdose et savoir réagir dans de telles situations permet de sauver des vies.
Signes de surdose cocaïnique
Surdose modérée :
- Hallucinations (visuelles et auditives)
- Paranoïa
- Peau moite et pâ1e
- Mydriase prononcée (pupilles dilatées)
- Mâchoires très serrées
- Tremblements
- Agressivité/agitation
- Pulsations cardiaques très rapides
Surdose sérieuse :
- Troubles de la vision
- Sueurs
- Sensation d’oppression sur la poitrine
- Malaise
- Difficulté à se mouvoir ou à s’exprimer (propos incohérents)
- Violences
Surdose sévère :
- Douleur vive et d’apparition brutale à la poitrine/cou/dos/mâchoire/épaule (signe d’infarctus, non-dose dépendant)
- Crise convulsive (non-dose dépendant)
- Chute brutale
En cas de surdose sévère ou sérieuse, il faut agir vite.
Que faire lors d’une suspicion de surdose cocaïnique ?
Si la personne est consciente, il faut favoriser le retour au calme par une position couchée, jambes relevées, des paroles et gestes rassurants. Faire respirer profondément et calmement, appeler et attendre les secours (le 15 ou le 112, numéros gratuits).
Si la personne convulse, il faut éloigner les objets dangereux (tranchants, pointus, etc.) autour d’elle, ne pas empêcher les mouvements, n’introduire ni objets ni doigts dans la bouche (risque de morsure sans que cela n’empêche la personne de se mordre la langue). La placer en position latérale de sécurité (PLS) « Position maintenant la personne sur le côté, les voies aériennes dégagées, limitant les risques d’étouffement ». Une fois la crise passée, rester avec elle jusqu’à l’arrivée des secours.
Remarque : La survenue d’un infarctus ou d’une crise convulsive ne semble liée ni à la dose, ni à la voie d’administration, ni à la fréquence ou à l’ancienneté de consommation.
Ces incidents peuvent survenir dès la première prise, chez des sujets jeunes sans risque coronarien particulier. Les heures suivant la consommation sont les plus à risque.
Polyconsommations
La question de l’association à d’autres produits, qui se pose pour tous les types de drogues, est particulièrement importante chez les usagers de cocaïne/crack. La redescente de cocaïne peut être mal vécue et nombre d’usagers ont recours à des produits pour en diminuer les effets désagréables, entraînant d’autres complications (dépendances, toxicité, etc.). Mieux vaut limiter les consommations et espacer les prises pour éviter une redescente trop pénible et le recours à d’autres produits.
La consommation concomitante d’alcool et de cocaïne est très fréquente et toutes les conséquences de ce mélange sont encore méconnues. Il est en revanche établi qu’il est beaucoup plus nocif d’associer cocaïne et alcool que de consommer ces deux produits séparément (toxicité, risque cardiaque et durée d’élimination fortement augmentés, notamment par formation d’un dérivé toxique, le cocaéthylène).
L’association cocaïne et ecstasy n’a aucun intérêt pour l’usager (l’un annule les effets recherchés de l’autre) et les risques provoqués sont accrus (effets indésirables augmentés).
Le partage des matériels de consommation (paille, seringue, pipe à crack, etc.) expose à des risques infectieux. Champignons, bactéries et virus peuvent être véhiculés par ces outils. Des micros gouttes de sang, même invisibles à l’œil nu, peuvent favoriser la contamination par le VHC ou le VIH. L’usage unique et le non-partage doivent être la règle absolue.
La consommation de cocaïne est souvent compulsive et répétée durant de courtes périodes, ce qui rend cette règle de RdR particulièrement difficile à respecter.
Risques infectieux, risques d’overdose accrus et complications somatiques rendent la voie injectable particulièrement dangereuse pour les usagers de cocaïne.
Usage-Revente
De nombreux usagers de cocaïne qui intègrent cette consommation dans leur mode de vie se tournent vers des pratiques de revente (généralement à un groupe restreint) pour des raisons économiques (la cocaïne coûte cher et l’accès est ainsi quasi permanent) et/ou sociales (le statut de revendeur peut valoriser). Il est souvent bien plus difficile de diminuer ou d’arrêter la consommation pour les usagers-revendeurs et ce paramètre devrait être pris en compte systématiquement lorsqu’un usager de cocaïne exprime le souhait de modifier ses consommations.
Après avoir été restreinte à certaines populations, la consommation de cocaïne touche aujourd’hui l’ensemble des milieux sociaux (évolution des représentations, prix faibles, disponibilité et accessibilité élevées).
La question de l’usage-revente se pose pour toutes les drogues mais devrait être systématiquement abordée avec les usagers de cocaïne en particulier (pratique répandue du fait du coût de ce produit).
Enfin, la pratique du « basage » de la cocaïne ou de la consommation de crack acheté dans la rue semble en expansion. Les conseils de RdR doivent prendre en compte ces évolutions pour des prises en charges adaptées (kits de consommation à usage unique, éducation à la santé en rapport à la voie fumée et à la pratique du basage, etc.).
Lire l’article suivant : Réduction des risques selon les produits 5/5 : Amphétamines et dérivés