Résumé
En 2001, une étude sur le traitement d’entretien à la méthadone (TEM) réalisée par le Service correctionnel du Canada démontrait que le TEM a un impact positif sur l’issue de la mise en liberté et sur le comportement en établissement (1). À présent, une nouvelle étude menée dans un système correctionnel australien révèle que le TEM réduit aussi l’usage et l’injection de drogue en prison (2). Ces résultats ont de vastes implications. Ils portent à croire que des programmes d’entretien à la méthadone devraient être introduits ou élargis dans les prisons de tous les ressorts où de tels programmes existent déjà dans la communauté (3).
L’étude
Le TEM réduit la mortalité, la consommation d’héroïne, la criminalité, la transmission du VIH et la réincarcération parmi les utilisateurs de drogue dans la communauté (4), mais peu d’études ont examiné l’efficacité du TEM en prison. Dans le cadre d’une étude, les utilisateurs de drogue par injection enrôlés dans un TEM en prison ont présenté des taux inférieurs d’injection que leurs pairs sans TEM (5).
Au Canada, une importante étude sur le TEM dans les prisons fédérales a démontré que ces programmes ont un impact positif sur l’issue de la mise en liberté et sur le comportement en établissement, mais sans évaluer l’impact du TEM sur la santé des détenus qui y participaient, ni plus précisément sur leur fréquence d’usage ou d’injection de drogue.
Une récente étude de Dolan et coll. menée dans des prisons de la Nouvelle-Galles du Sud (NGS), en Australie, s’est intéressée à ces aspects; elle a démontré l’efficacité du TEM à réduire l’usage et l’injection de drogue en prison.
En 1997, les prisons de la NGS abritaient 7 957 détenus, dont 685 suivaient un TEM. Les taux de VIH et d’hépatite C (VHC) parmi les détenus masculins y étaient respectivement de moins de 1% et d’environ 30%.
Le programme de TEM visait à réduire l’injection de drogue et à prévenir la transmission du VIH et du VHC dans ces prisons. L’étude a vérifié si le programme avait atteint ce but. En 1997, dans les prisons de la NGS, le temps d’attente pour un TEM était d’environ six mois. Tous les détenus sur la liste d’attente ont été invités à participer à l’étude; les candidats admissibles ont été assignés au hasard à un TEM immédiatement ou se sont vu garantir l’accès à un TEM après un délai de quatre mois.
L’usage d’héroïne a été mesuré au moyen d’une analyse de cheveux et d’auto déclarations ; les drogues utilisées et injectées, et le partage de seringues, ont été mesurés à partir d’auto déclarations. L’incidence du VHC et du VIH a été déterminée par sérologie.
Parmi les 593 détenus admissibles, 191 ont été assignés au hasard à un TEM, et 191 au groupe de contrôle; 129 individus traités et 124 individus du groupe de contrôle ont fait l’objet d’un suivi après cinq mois.
L’usage d’héroïne était significativement moindre parmi les individus traités que parmi ceux du groupe de contrôle. Les participants traités ont également déclaré des fréquences inférieures d’injection de drogue et de partage de seringues, lors du suivi.
Aucun participant n’a été trouvé séropositif au VIH au début de l’étude ni lors du suivi, ce qui en reflète la faible prévalence (environ 1%) parmi les utilisateurs de drogue par injection, en Australie. Environ 70% des participants avaient le VHC au début de l’étude, ce qui en reflète la forte prévalence (plus de 50%) parmi cette population.
Les prédicteurs de la séroconversion au VHC étaient de s’être fait tatouer en prison, d’avoir plus de 25 ans et de s’être récemment injecté de l’héroïne. L’une des limites de l’étude était sa courte période de suivi; couplée à la forte prévalence du VHC, elle a empêché la détection possible d’une différence d’incidence de l’infection entre les deux groupes. Néanmoins, cette importante étude devrait avoir de vastes implications.
Elle fournit des preuves concluantes à l’effet que le TEM réduit l’usage et l’injection de drogue en prison.
Par conséquent, les programmes de TEM devraient être élargis (ou introduits là où ils sont absents), dans les prisons du Canada.
Bibliographie
- (1) R. Jürgens, « Canada – Une étude démontre l’effet positif du traitement à la méthadone », dans « Le VIH/sida en prison : nouveaux développements », Revue canadienne VIH/sida et droit, 2002, 6(3) : 14-21, aux p. 16-18, avec référence à Service correctionnel du Canada, Rapport de recherche – Le traitement à la méthadone en milieu carcéral : incidence sur l’issue de la mise en liberté et le comportement en établissement.
- (2) K.A. Dolan et coll., « A randomised controlled trial of methadone maintenance treatment versus wait list control in an Australian prison system », Drug and Alcohol Dependence, 2003, 72 : 59-65.
- (3) Pour un aperçu de la provision du TEM dans les prisons canadiennes, voir R. Lines, La lutte au VIH/sida dans nos prisons : trop peu, trop tard – Un rapport d’étape, Montréal, Réseau juridique canadien VIH/sida, 2002 (accessible via www.aidslaw.ca/francais/Contenu/themes/ prisons.htm).
- (4) Dolan et coll., supra, note 2, avec plusieurs références.
- (5) K.A. Dolan et coll., « Methadone maintenance reduces injecting in prison », British Medical Journal, 1996, 312 : 1162.