Résumé
Cette étude norvégienne vient d’être publiée dans la revue Addiction, et a pour objectif de déterminer, chez les conducteurs en infraction, l’existence d’une corrélation entre la concentration sanguine de méthadone et la diminution de l’aptitude à conduire.
En Norvège, selon les recommandations nationales (Norwegian guidelines), les patients qui suivent un traitement de substitution aux opiacées (buprénorphine ou méthadone), sont autorisés à conduire un véhicule à moteur. C’est le médecin qui assure la prise en charge du patient qui peut le qualifier apte ou non à conserver son permis de conduire.
Méthodes
Le département de toxicologie légale et de toxicomanie à l’Institut Norvégien de Santé publique (DFTDA) a analysé tous les échantillons sanguins des conducteurs soupçonnés de conduire sous l’influence de drogues. Les analyses sanguines positives à la méthadone ont été collectées entre juin 2001 et décembre 2006.
Résultats
Sur une période de 5,5 ans, 25 000 individus ont été suspectés de conduire sous l’influence de drogues et 635 présentaient de la méthadone dans leurs échantillons sanguins (2-4% par an). Ces conducteurs sont essentiellement des hommes (> 80%), entre 30 et 40 ans.
Les prescriptions de méthadone enregistrées varient de 10 mg à 330 mg par jour.
La présence de méthadone seule dans le sang était très rare (environ 2% des cas soit 10 individus).
Chez une large proportion d’individus (625), les auteurs ont identifié, en plus de la présence de méthadone, en moyenne 3 autres substances, et dans plusieurs échantillons, jusqu’à 8 substances additionnelles.
Dans de nombreux cas, des substances médicamenteuses ont été détectées dans les échantillons sanguins, dont des benzodiazépines dans 90% des cas. Une analyse plus approfondie de ces cas a révélé que la majorité des médicaments (> 50%) étaient détectés à des taux sanguins trop élevés pour être compatibles avec un usage thérapeutique.
Une différence significative de concentration de méthadone a été observée lorsque la méthadone était présente seule dans le sang [en moyenne 0,46 mg / l (écart 0,19-0,65)] et lorsqu’elle était associée à d’autres substances psychoactives [en moyenne 0,28 mg / l (écart 0,06 -1,24)] (Test U de Mann-Whitney, P<0,05).
Un test clinique d’altération de l’aptitude à conduire (CTI : Clinical Test of Impairment) a été réalisé, conjointement aux prélèvements sanguins chez 577 individus positifs à la méthadone. La majorité de ces conducteurs (476) ont été jugés comme présentant une altération de leurs facultés.
Cependant, les auteurs n’ont pu établir de corrélation significative entre la concentration de méthadone détectée dans le sang et les résultats du test CTI (facultés altérées/non altérées).
Commentaire du comité scientifique
Bien que cette étude se limite aux conducteurs appréhendés, les auteurs soulignent que les résultats obtenus sont en faveur de la législation norvégienne qui autorise la conduite automobile des patients avec une posologie de méthadone stable et ne consommant pas d’autres substances (prescrites ou obtenues de manière illégale).
En effet, aucune corrélation n’a pu être démontrée entre la concentration de méthadone dans le sang et une possible altération de l’aptitude à conduire (mesuré par le CTI).
Ces résultats confirment d’ailleurs ceux de travaux récents chez des patients en traitement de longue durée par la méthadone, indiquant une diminution des capacités psychomotrices sans pour autant engendrer un impact significatif sur la conduite (Schindlet S.D et al. 2004, Lenne M.G. 2003)
Autre point important, dans cette étude de Jean-Paul Bernard et al., la majorité des conducteurs traités par la méthadone consommaient également des benzodiazépines (90% des cas).
L’interaction entre la méthadone et les benzodiazépines pourrait être susceptible de perturber l’aptitude à la conduite automobile et augmenter ainsi le risque d’être appréhendé par les forces de police. Les effets négatifs de ce groupe de médicaments sur la conduite sont bien documentés, et il est donc important de prendre en considération ce risque chez les patients en MMT.