Cette étude de cohorte rétrospective a été publiée en 2009 dans le British Medical Journal et s’est intéressée aux différents facteurs en lien avec la mortalité chez des patients suivis en médecine de ville et bénéficiant d’un traitement par la méthadone.
Au Royaume-Uni, la méthadone est accessible depuis les années 90 dans le cadre d’un suivi par médecin généraliste. Une crainte exprimée par les autorités réside dans l’augmentation du nombre de patient sous méthadone.
Cependant, en parallèle de l’accroissement des prescriptions, la proportion de décès se révèle en franche diminution. Il est néanmoins important d’évaluer les différents facteurs pouvant être à l’origine de décès pour des patients admis en traitement d’entretien par la méthadone, facteurs aussi spécifiques du profil du patient que liés à l’organisation du système de soin.
Cette étude de cohorte rétrospective a été menée à partir d’informations recueillies auprès de patients ayant bénéficié d’un traitement par méthadone sous forme liquide entre janvier 1993 et février 2004.
Les données collectées comprenaient des informations d’ordre socio-démographique (telles que l’âge, le sexe et le code postal), la réalisation d’analyses urinaires, le niveau socio-économique, la présence d’une ou de plusieurs co-morbidités (ulcère, diabète, cancer, diabète, infection myocardique, démence…).
Les modalités de traitement ont également été analysées : posologie de méthadone, durée du traitement, délai entre deux renouvellements d’ordonnances, présence d’un usage de méthadone au-delà des quantités prescrites mais aussi co-prescriptions de benzodiazépines, d’anxiolytiques ou encore d’antidépresseurs.
Durant la période des 12 années couvertes par l’analyse, les données de 2 378 patients ont pu être revues et 181 décès (8%) ont été notifiés. Le nombre de décès par an est resté stable en dépit de l’augmentation constante du nombre de patient bénéficiant d’un traitement par la méthadone.
La cause de décès était renseignée pour 166 cas (92%). Parmi ceux-ci, la responsabilité de la conduite addictive était mise en cause dans 36% des cas (60 décès).
Les principales causes de décès sont résumées dans le tableau suivant :
Après ajustement pour les différentes co-variables, plusieurs facteurs ont été notés comme accroissant le taux de mortalité, toutes causes confondues :
- un nombre croissant de comorbidités (RR de 1,20),
- un usage de méthadone au-delà des quantités prescrites (RR de 1,67)
- et des antécédents d’admission en psychiatrie (RR de 2,47).
Les facteurs suivant se sont quant à eux montrés protecteurs face au risque de mortalité, toutes causes confondues :
- durée plus importante de traitement par méthadone (RR de 0,95),
- délais plus important entre deux renouvellements d’ordonnance (RR de 0,7 pour un renouvellement tous les 6 mois)
- et réalisation d’analyses urinaires durant le suivi (RR de 0,33).
L’explication apportée par les auteurs est que ces paramètres sont significatifs de patients mieux stabilisés et donc moins vulnérables quant à un risque de décès.
Ces mêmes facteurs (protecteurs ou délétères) étaient retrouvés en lien avec le taux de mortalité lorsque l’analyse portait de manière plus spécifique sur les décès liés à la dépendance.
L’impact des co-prescriptions a été noté : la prescription de benzodiazépines augmentait le taux de mortalité (RR de 4,35) tandis que les prescriptions d’antipsychotiques et d’antidépresseurs réduisaient ce taux (RR respectivement de 0,27 et 0,51).
En discussion, les auteurs rappellent que cette étude peut présenter un biais d’analyse.
La population étudiée appartient aux classes socio-économiques les plus défavorisées et peut donc à ce titre être considérée comme plus vulnérable. Ils soutiennent également, dans le cadre du suivi du traitement de maintien par la méthadone en médecine de ville, que les patients devraient se soumettre à des analyses urinaires régulières et que la prescription de benzodiazépine devrait être évitée autant que possible.
Enfin, les patients à risque (présentant une comorbidité psychiatrique ou des difficultés dans le cadre du suivi) seraient à même de bénéficier d’un suivi par une structure spécialisée plutôt qu’en médecine de ville.