La consommation concomitante d’alcool et d’opiacés est bien établie chez les héroïnomanes, et plusieurs études s’accordent sur le fait qu’elle est fréquente chez les patients traités par la méthadone.
Cependant, il est difficile d’évaluer les changements liés aux traitements de substitution aux opiacés dans la consommation d’alcool du fait de problèmes de méthodologie.
Il convient en effet de définir la limite entre consommateur d’alcool et personne dépendante à l’alcool, car en fonction de cette définition, la fréquence de la consommation d’alcool chez les patients traités par méthadone varie dans les études entre 5 à 50%.
En tout état de cause, la consommation d’alcool, quand elle est excessive, rend la prise en charge de la dépendance aux opiacés plus difficile, en entraînant une diminution de l’efficacité des traitements, une augmentation des symptômes psychiatriques et une diminution de la qualité de vie. Quoiqu’il en soit, les mécanismes sous jacents, expliquant les effets des traitements de substitution aux opiacés sur la réduction de la consommation d’alcool chez les héroïnomanes reste encore mal connus. Dans cet objectif, l’équipe du Dr. Felice Nava du département d’addiction de Trevise en Italie a réalisé une étude ouverte randomisée sur une année chez 218 héroïnomanes alcoolo-dépendants.
Dans cette étude, il s’agit d’évaluer l’efficacité de la méthadone et de la buprénorphine sur la réduction de la consommation d’alcool.
Les 218 participants de cette recherche ont été sélectionnés sur des caractéristiques similaires incluant la sévérité de l’addiction (mesurée à l’aide du questionnaire ASI), des évaluations du craving et de la consommation (alcool et héroïne).
Les posologies quotidiennes de méthadone sont de 80, 120, 160 et 200 mg, tandis que celles de la buprénorphine sont de 8, 16, 24 et 32 mg.
Comme attendu par les auteurs, la méthadone et la buprénorphine diminuent la consommation d’héroïne et la sévérité de l’addiction chez les participants de cette étude.
Les auteurs mettent en avant le fait que les 2 médicaments diminuent la consommation d’alcool chez les héroïnomanes alcoolo-dépendants. Ces résultats sont d’autant plus évidents au 6e et au 12e mois de traitement chez les participants ayant reçu la posologie de buprénorphine la plus élevée soit 32 mg/j.
Cependant, les auteurs reconnaissent certaines limites importantes dans cette étude.
Tout d’abord, les participants inclus dans cette étude ne présentent pas une addiction sévère, ce qui peut générer un biais de recrutement.
Enfin, l’efficacité supérieure de la buprénorphine par rapport à la méthadone sur la réduction de la consommation d’alcool est uniquement observée à des posologies élevées (32 mg /j versus 200 mg/j), or dans la pratique clinique la buprénorphine à la dose de 32 mg/j est rarement prescrite ; de plus elle est hors AMM en France.
Cette étude apporte pour la première fois une confirmation clinique de l’efficacité de posologies élevées de buprénorphine et de méthadone sur la réduction du craving et de la consommation d’héroïne et d’alcool dans une population d’héroïnomanes alcoolo-dépendants.