Une importante étude longitudinale menée sur une période de 20 ans semble montrer qu’une consommation occasionnelle de marijuana ne produirait pas d’effets indésirables sur la fonction pulmonaire. « Pour la plupart des fumeurs de marijuana, chez lesquels le niveau d’exposition est faible et n’implique pas une consommation quotidienne, nous n’avons pas retrouvé de conséquences délétères de la marijuana sur la fonction pulmonaire ».
La fumée du tabac provoque affections pulmonaires telles que les broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO) ou des cancers, avec pour conséquence dans le monde une mortalité accrue. Les composés impliqués dans la fumée de cigarette sont pour la plupart présents dans celle de la marijuana mais il n’est pas certain que les effets négatifs observés sur le poumon soient les mêmes.
Les auteurs de l’étude ont cherché à déterminer le lien entre le fait de fumer de la marijuana et la fonction pulmonaire chez 5115 personnes âgées de plus de 18 ans, suivies au sein de l’étude CARDIA. Cette étude de cohorte longitudinale concerne différents états (Californie, Alabama…) et diverses villes d’Amérique du Nord (Chicago…).
Depuis 1985, les données recueillies concernent plusieurs pathologies cardiaques et facteurs de risques tels que le style de vie, l’usage de drogue et d’alcool, le régime alimentaire et la pratique d’une activité physique ainsi que les variables ayant traits au comportement et à la situation psychologique.
L’analyse actuelle a été effectuée sur une période de 20 ans et a été initiée par le National Institute On Drug Abuse et le NHLBI (Institut national du cœur, du poumon et du sang). Les participants ont été évalués selon leurs capacités pulmonaires incluant le Volume Expiratoire Maximal par Seconde (VEMS) et la Capacité Vitale Forcée (CVF) mesurés durant six consultations de suivis. Les participants ont également été interrogés quant à leur consommation de tabac et de marijuana.
Sans surprise, une consommation actuelle ou passée de tabac était associée à une diminution du VEMS et une consommation actuelle à une diminution de la CVF.
Cependant, les chercheurs ont été surpris de constater qu’une consommation modérée de marijuana (qui est le mode de consommation le plus courant) était associée à un VEMS et une CVF augmentés. A un faible niveau d’usage, défini comme l’usage de 7 joints par an durant la vie entière ou 1 joint par jour pendant 7 ans ou encore 1 joint par semaine pendant 49 ans, le VEMS a été augmenté de 13 mL/joint-année (6,4 à 270 ; IC 95% ; p < 0.001) et la CVF de 20 ml/joint-année (12 à 27 ; IC 95% ; p < 0,001) comparé à l’absence d’usage de marijuana.
Cependant, à un niveau d’exposition plus élevé, (plus de 7 joints-année), la fonction pulmonaire a montré des signes de déclin et pour une exposition de plus de 10 joints-année, l’étude montre une réduction du VEMS non significative de 2,2 ml/joint-année (-4,8 à 0,3 ; IC 95% ; p = 0,08). Néanmoins, même chez les plus forts usagers (plus de 40 joints – année ou plus de 25 épisodes de consommation par an), le déclin du VEMS n’était pas significatif.
Les résultats selon lesquels les fumeurs occasionnels de marijuana ont une capacité pulmonaire plus importante que les non-fumeurs est « surprenant et légèrement étrange ». Selon le Dr Pletcher, auteur de l’étude : « cet effet pourrait être lié à la manière dont les individus fument la marijuana, avec de larges et profondes inspirations. A la manière d’un exercice pulmonaire, cela pourrait renforcer les muscles permettant d’inspirer plus profondément ».
Il ajoute « Lorsque l’addiction est là, les conséquences sont évidentes : nous devons savoir que certaines personnes vont développer de sévères problèmes de dépendances à la marijuana. La question a toujours été de savoir quels bénéfices sur la santé ou sur la situation sociale les consommateurs peuvent espérer obtenir dans le cadre d’un usage qui ne les mettrait pas en situation de dépendance ».
Le Dr Tetrault, qui a étudié les effets de la marijuana dans une étude antérieure, précise cependant qu’un usage à plus long terme serait associé à des symptômes analogues à ceux d’une BPCO. Elle ajoute « Le VEMS et la CVF sont des mesures courantes de la fonction pulmonaire […] mais elles n’en représentent qu’une partie ». Bien que les résultats de l’étude du Dr Pletcher aient fait grand bruit « nous ne pouvons conclure que l’usage modéré de marijuana est sans danger pour les poumons ».