Le Trait d’Union est une association loi de 1901, qui gère des services et des établissements dédiés à la prise en charges des toxicomanies et plus largement des addictions. L’établissement que dirige le Dr Morel est un CSST comportant 2 structures dans les Hauts-De-Seine, l’une à Boulogne, l’autre à Villeneuve-la-Garenne, plus au nord du département. Les équipes y comptent au total 5 médecins et une trentaine d’autres salariés, travailleurs sociaux, infirmières, psychologues…
Une prise de conscience
En 2004, l’association a décidé de mobiliser l’ensemble des services autour de la prise en charge des hépatites, tout particulièrement l’hépatite C. Cette question s’inscrit dans le cadre des missions de santé des CSST, au cœur de la problématique addictive chez les usagers ayant (ou ayant eu) des pratiques à risque. L’usage de drogues constitue en effet le mode de contamination principal et les usagers représentent la population la plus exposée au risque de contamination par le VHC. Les CSST en tant que lieu privilégié de rencontre avec ces malades potentiels ont donc des responsabilités particulières.
Une « mobilisation » était cependant nécessaire, car les équipes ne sont pas toujours à l’aise avec ces questions très médicales.
Le premier temps de cette mobilisation a consisté en des formations sur la maladie, sur ses liens avec les addictions, sur le dépistage. Les explications apportées ont permis de lever un certain nombre de préjugés et de doutes sur l’efficacité du traitement, ses effets secondaires ou sur la ponction-biopsie hépatique.
À cette phase préliminaire de sensibilisation a succédé un travail sur les moyens nécessaires à la prise en charge de l’hépatite C parmi les patients reçus :
- Évaluation des moyens nécessaires, déjà disponibles ou à créer.
- Adaptation des solutions concrètes aux caractéristiques des patients UD et au contexte pratique à Boulogne d’une part, à celui de Villeneuve d’autre part.
- Homogénéisation des outils de travail autour de la santé, en particulier le dossier médical.
Les objectifs du plan
À l’issue de cette réflexion pragmatique, un « Plan Hépatites » a été élaboré pour les 2 Centres, avec 4 objectifs :
1. L’actualisation des dépistages : un dépistage annuel pour chaque patient
2. L’amélioration de l’accès au traitement : On estime habituellement à 60 % la proportion d’usagers de drogues VHC +, dont au moins 20 % nécessitent immédiatement un traitement. Appliquée à la file active du CSST, cette évaluation aboutit à une prévision de 100 malades qui devraient être déjà sous traitement ou y avoir accès.
3. La sensibilisation à la campagne de vaccination contre l’hépatite B : L’estimation du nombre de sujets concernés est du même ordre.
4. La mise en place d’un dispositif offrant à chaque malade une unité de lieu, d’acteurs de soins et de temps, pour la prise en charge des hépatites dans le cadre de l’accompagnement global, médico-psychosocial, dispensé par l’institution :
- Dépistage
- Premier bilan biologique
- Fibrotest éventuel
- Décision de mise sous traitement
- Prescription de ce traitement
- Suivi et prise en charge des effets du traitement
- Décision de fin de traitement
- Suivi post-traitement.
Les moyens nécessaires
Pour atteindre ces objectifs, ont été définis les moyens suivants :
- 1. La désignation d’un professionnel de santé comme coordinateur pour chacun des 2 Centres :
- L’intéressé a été formé à cet effet.
- Par ailleurs, un médecin référent Hépatites a été attribué à chaque patient.
- 2. La formation de l’ensemble des équipes :
- Sur les modes de contamination, les modalités de dépistage, l’actualité en matière de bilan et de traitements.
- Des outils de formation, les plus simples possible, ont été mis à disposition des équipes.
- 3. La formalisation de partenariats entre le CSST, les services hospitaliers, les laboratoires :
- Du temps de travail infirmier affecté aux prélèvements de sang dans le centre de Villeneuve la Garenne.
- Équipement des 2 pôles pour les actes médicaux courants (lit d’examen, matériel stérile de prise de sang, tensiomètre, élimination des déchets…)
- À Boulogne, présentation des dossiers aux référents hospitaliers (Service de médecine interne du Pr Rouveix et service d’hépatogastro-entérologie du Dr Lesur, hôpital Ambroise Paré) pour décision de traitement et primo-prescription de peginterféron/ribavirine.
- À Villeneuve, l’un des médecins du Trait d’Union, le Dr Ménahem, s’est beaucoup impliqué dans la question des hépatites. Il est associé au service d’hépatologie du Pr Poynard à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière et de ce fait habilité à primo-prescrire ces traitements.
Les premières réalisations
Un bilan de cette mobilisation est prévu tous les 6 mois. L’évaluation des premières réalisations a montré des différences entre les 2 Centres.
À Villeneuve la Garenne, les choses se sont mises en place très vite et très facilement. Il est vrai que le CSST est situé dans les locaux d’un hôpital de proximité, l’Hôpital Nord-92. Deux infirmières en poste sur place peuvent pratiquer à la fois les prélèvements, les injections et dispenser le traitement de substitution. De plus, le médecin du Trait d’Union dans cet hôpital est en capacité de primoprescrire les traitements anti-VHC ainsi que les traitements de substitution. C’est donc le même médecin qui prend en charge la toxicomanie, le dépistage de l’hépatite, l’ensemble des traitements et leurs suivis.
Les usagers du centre savent ainsi qu’ils seront suivis de façon régulière et personnalisée dans un même lieu et par les mêmes soignants. Si le problème du traitement est au début très médical, il devient plus tard plutôt psychosocial, lié au vécu des effets secondaires. Ici, la même équipe apporte des réponses humaines et relationnelles après avoir mis en œuvre les solutions techniques à la maladie somatique. Les objectifs du Centre de Villeneuve ont été grandement remplis.
À Boulogne, les conditions pratiques sont très différentes. Le Centre n’est pas un lieu de dispensation de méthadone ; elle y est prescrite mais délivrée en officine. Il n’y a pas d’infirmière ni de laboratoire d’analyses. Le patient doit donc sortir du centre et aller au laboratoire pour tout dépistage ou bilan biologique. Certes, des relations privilégiées sont entretenues avec les pharmacies et les laboratoires proches. Mais, aussi courte que soit la distance entre le Centre et le laboratoire, il y a toujours une déperdition des patients ou des délais très longs pour qu’ils effectuent leurs examens, d’autant qu’ils sont nombreux à appréhender le geste de la prise de sang en raison de l’état de leurs veines.
Autre différence propre au Centre de Boulogne : dans un premier temps, conformément au protocole prévu, les patients étaient adressés en consultation d’hépatologie à l’hôpital Ambroise Paré. L’équipe du Centre entretient d’excellentes relations avec les services hospitaliers, l’accueil par les spécialistes y est compétent et très humain. Cependant, ici aussi, le patient doit prendre rendez-vous et se déplacer de son plein gré. C’est une autre étape qui entraîne un risque supplémentaire de « déperdition » dans le processus allant jusqu’au traitement.
Pour cette raison, il a été établi avec les référents spécialistes de l’hôpital une procédure simplifiée qui convient à la grande majorité des situations : quand un malade revient au centre avec son bilan, les résultats sont immédiatement envoyés à l’hépatologue par télécopie. L’hépatologue renvoie également par télécopie sa primoprescription que le médecin du Trait d’Union transmet et explique au patient. Cette réduction des délais et des distances entre les acteurs a permis d’éviter un certain nombre de ruptures dans le cheminement jusqu’au traitement.
Toutefois, en raison de ces difficultés, les résultats du Centre de Boulogne sont moins satisfaisants que ceux de Villeneuve, avec moitié moins de patients traités pour une file active plus importante.
Ces écarts de résultats sont le reflet des dispositifs de suivi différents dans les 2 pôles :
Boulogne autonomise beaucoup ses usagers et fonctionne essentiellement par le biais de consultations, (excepté pour les patients qui séjournent dans les appartements thérapeutiques ou dans le Centre Thérapeutique Résidentiel dont dispose le Trait d’Union à Clamart) . En revanche, Villeneuve offre des modalités de suivi pour les patients sous méthadone qui permettent un suivi médicalisé, mais également pluridisciplinaire, rapproché, et institutionnalisé, dans un même lieu et sur du long terme.
Des améliorations sont recherchées pour augmenter l’accès au traitement dans le Centre de Boulogne, mais cela nécessite des bilans et une relance annuels de la mobilisation de l’équipe. Le CSST est financé par l’assurance maladie. Pour ce « plan hépatites », des aides financières supplémentaires ont été apportées par diverses sources dont les laboratoires pharmaceutiques. Roche et d’autres firmes participent ainsi au financement complémentaire des fibrotests, grâce à la mise à disposition d’ordonnances qui assurent à l’intéressé la gratuité totale de l’examen. Roche est également un partenaire actif des actions de formation des équipes et de l’information des patients.