Faciliter la communication pour améliorer le soin
Hélène Delaquaize était coloriste designer. Mais « un accident de la vie » l’a un jour confrontée à l’épreuve de l’hépatite C.
Hélène se souvient bien de son incompréhension à l’annonce du diagnostic : tant de questions à poser, d’assurances à rechercher, de soutien à demander et si peu de réponses, si peu de temps à lui consacrer de la part des soignants surchargés de travail…
Une autre période difficile l’attendait, celle du traitement, à l’époque de l’interféron simple et ses injections 3 fois par semaine.
En ces années 1990, les problématiques VIH et VHC étaient confondues. Il n’y avait pas de ressources propres à soutenir les patients présentant une hépatite C.
Hélène était suivie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière dans le service du Pr Poynard par le Docteur Moussali, Elle s’est ouverte à ce dernier de ce besoin inassouvi, de cette nécessité vécue d’un interlocuteur disponible pour écouter, expliquer, expliquer de nouveau, comprendre… quelqu’un dégagé des responsabilités liées au soin.
La malade et son médecin se sont retrouvés demandeurs de ce relais compétent. Hélène a alors rebondi et entrepris de nouvelles études dans le domaine de la santé.
Promotion expérimentale : le médiateur en santé publique
Le cursus qu’Hélène a suivi est un mastère de « médiateur en santé publique », avec un Diplôme d’Université (DU) Hépatites et un DU VIH-IST.
Cette fonction nouvelle découle des recommandations de la Charte d’Ottawa adoptée en novembre 1986 par la première Conférence internationale pour la promotion de la santé. En France, la loi d’août 2004 relative à la santé publique dispose que « l’accès à la prévention et aux soins des populations fragilisées constitue un dispositif prioritaire de santé publique ».
Des promotions expérimentales de médiateur en santé publique (MSP) ont ainsi vu le jour. Ni médecin, ni infirmière, ni psychologue, ni assistante sociale, le MSP, très proche des populations en difficulté, doit accompagner le patient dans le suivi des soins en tenant compte de son niveau social. L’une de ses grandes missions est de relayer l’information de tout ordre, car rares sont les usagers du système de santé qui maîtrisent le fonctionnement des dispositifs sanitaires et sociaux.
L’action de la MSP Hépatite C
Hélène est la première et, semble-t-il, à ce jour la seule MSP pour l’hépatite C et ses complications, cirrhoses, cancers, transplantation, à exercer au sein d’hôpitaux. Elle a été embauchée par le Centre médical Marmottan, qui dépend du CHS de Perray-Vaucluse. Pour ce faire, une subvention « Adulte-Relais » a été accordée pour 3 ans par la Direction Interministérielle de la Ville, renouvelable 1 fois.
La mission de la MSP est la facilitation de l’accès au soin du VHC des usagers de drogues (UD) par un travail d’information, de liaison entre les structures de soin, de liaison avec les associations dédiées aux hépatites comme à l’infection par le VIH.
Elle constitue un relais indispensable entre médecins et patients, apportant informations et conseils. La MSP prend le temps d’écouter les patients, ce que les médecins peuvent rarement se permettre. Formée à l’écoute, mais aussi très au fait des différents aspects de la maladie, son exploration ou son traitement ainsi que des droits du patient, elle répète, reformule, réexplique ce que le malade désire ou doit savoir et comprendre. Elle assure la liaison entre le patient et l’interlocuteur adapté aux difficultés qui lui ont été confiées : infirmière, assistante sociale…
Son intervention permet l’éducation à une meilleure observance afin que le patient devienne acteur de sa santé. De plus, sa présence dédramatise l’hôpital.
Hélène, eu égard à ses bonnes relations avec le service d’hépatologie de la Pitié-Salpêtrière, a contribué à la signature d’une convention entre ce dernier et le Centre Marmottan.
Une consultation d’hépatologie a été mise en place à Marmottan, assurée par le Dr Moussali.
De son côté, Hélène a, à l’hôpital, rencontré tous les patients infectés par le VHC, le VHB, le VHD et présentant une co-infection VIH / hépatite, intervenant pour dédramatiser l’annonce d’une séropositivité et compléter les informations sur les traitements.
Mais elle a surtout organisé une passerelle entre les 2 structures pour que les usagers de drogues aient un accès au traitement. Pour leurs patients communs, après la prescription des examens par l’hépatologue, elle se chargeait de la création du dossier, de la prise des rendezvous auprès de l’équipe d’hospitalisation de jour du service du Pr Poynard pour les tests, en rapportant à Marmottan les convocations pour les patients les plus précarisés.
Lors de la consultation en hôpital de jour, elle accueillait des patients, en expliquant en quoi consistent Fibrotest et FibroScan, quel est leur intérêt… Hélène collectait les résultats pour qu’ils soient discutés en réunion par l’hépatologue et l’équipe du centre Marmottan.
C’est ainsi qu’elle a facilité la consultation spécialisée pour 26 patients de Marmottan, patients toxicomanes et désocialisés qui n’auraient vraisemblablement pas consulté sans son intervention. De même, elle a accompagné l’hospitalisation de jour de 11 patients. Des patients jugés « impiquables » ont pu être confiés à la dextérité des infirmières du service d’hépatologie.
A la Pitié-Salpêtrière, 51 patients de la file active de la médiatrice ont eu accès à l’éducation thérapeutique, 19 patients du centre Marmottan ont eu un suivi multidisciplinaire pour leur accompagnement thérapeutique en 2006.
La passerelle a facilité également la thérapeutique : des patients de Marmottan ont pu bénéficier de prescriptions d’érythropoëtine, impossibles hors l’hôpital ; de même, la primo prescription des traitements contre le VHC a été facilitée par la présence hebdomadaire de la médiatrice dans les murs du Service d’hépatologie. L’accès rapide à l’hôpital a permis la mise en place d’une prise en charge spécifique des patients chez qui un carcinome hépatocellulaire a été découvert en dépit de la guérison de leur hépatite C.
Des résultats à mettre à son crédit ?
Le Centre Marmottan a été en 2006 centre de recueil pour l’enquête Coquelicot menée par l’InVS. Les résultats de cette étude peuvent donc être mis en parallèle avec les chiffres du rapport d’activité de Marmottan de 2000, c’est-à-dire avant l’arrivée de la médiatrice.
Selon Coquelicot, 59,8 % des UD sont VHC + :
- 28 % des moins de 30 ans sont VHC +
- 27 % des UD sont VHC + sans le savoir
- 10,2 % des UD sont co-infectés VIH/VHC
En 2000, on relevait à Marmottan « 70 % VHC +, dont 26 % co-infectés VIH/VHC. Le patient VHC est orienté pour un diagnostic, essentiellement la ponction-biopsie hépatique (PBH). Mais ce suivi dans un hôpital n’a concerné que 13 % des patients vus en 2000. 38 % ont déclaré n’avoir aucun suivi pour leur hépatite C. Le passage obligé par la PBH et les effets indésirables psychiques de l’interféron sont également préoccupants, en raison de la fragilité psychologique des patients suivis dans l’institution. »
Hélène espère que les 835 entretiens qu’elle a eus soit à Marmottan, soit à la Pitié ont contribué à l’amélioration de la situations des UD infectés par le VHC.
C’est pourquoi sa déception est immense de ne pas avoir vu son contrat renouvelé à l’issue de ces 6 années. Certes, elle va dorénavant être MSP dans un Espace Rencontre Information (ERI) pour le cancer à l’Hôpital de l’AP-HP Avicenne à Bobigny, ERI qu’elle doit amener à un espace polypathologies. Mais elle va beaucoup manquer aux patients comme aux médecins et aux personnels soignants aux deux extrémités de la passerelle.