Il y a quelques jours, début octobre 2016, l’American Academy of Pediatrics publiait un réquisitoire plaidant contre l’utilisation de la codéine pour traiter la douleur de l’enfant. La raison étant que l’effet de la codéine est lié à sa métabolisation en morphine par le cytochrome P450, en particulier la forme 2D6, fortement variable d’un individu à l’autre et pouvant provoquer des effets imprévisibles.
Cette position rejoint celle de la HAS qui, en France, demandait il y a quelques mois (février 2016) d’écarter la prescription de codéine chez l’enfant
En cas de douleur résistante aux antalgiques de palier inférieur, la HAS recommandait avec prudence le tramadol, celui-ci empruntant les mêmes voies métaboliques que la codéine et sujet donc aux mêmes variations et inconvénients (risque d’inefficacité chez les métaboliseurs lents, et de surdosage chez les métaboliseurs rapides)
La HAS préférait se prononcer en faveur de la morphine, quand la prescription d’un opioïde s’impose :
» La morphine orale est recommandée dans la prise en charge des douleurs intenses ou en cas d’échec d’antalgiques moins puissants. Elle est la molécule de choix pour ce type de douleurs [ndlr : la morphine n’est pas métabolisée par le cytochrome P450]. Des formes galéniques adaptées à l’enfant doivent être mises sur le marché, en particulier pour les enfants les plus petits et les traitements de courte durée, car les flacons actuels avec compte-gouttes contiennent de grandes quantités de morphine [ndlr : le risque d’erreur médicamenteuse est réel avec les formes de morphine buvable actuellement disponible]. Les enfants doivent être surveillés par un soignant pendant 1 heure, en particulier après la première administration. De faibles doses doivent être proposées initialement (0,1 mg/kg/prise) pour les enfants de moins de 1 an chez qui la surveillance sera renforcée. Ces posologies faibles pourront aussi être utilisées devant des douleurs modérées. »
S’il est bien sûr toujours judicieux de se préoccuper de la sécurité des médicaments chez les enfants, on peut toutefois rappeler que les variations du métabolisme touchent également les adultes.
Elles touchent aussi bien sûr les sujets âgés, aussi vulnérables que les enfants, chez lesquels une métabolisation importante de la codéine et du tramadol peuvent entraîner des conséquences dramatiques en termes de risque de surdosage (ou de non soulagement de la douleur). Ces personnes reçoivent de surcroît de nombreux médicaments susceptibles d’altérer le métabolisme des opioïdes empruntant le 2D6 (antidépresseurs, antifongiques, médicaments pour les troubles cardiovasculaires)
En synthèse, nous pensons que l’attention portée sur les risques de la codéine chez l’enfant doit être élargie d’une part à l’adulte et au sujet âgé et, d’autre part, à toutes les molécules empruntant le cytochrome P450 2D6 : codéine, tramadol mais aussi oxycodone.
Des travaux ont été menés sur les variations du métabolisme de cette dernière, présentés notamment l’année dernière à la SFETD (Dr Desmeules, références ci-dessous). Chez des sujets vulnérables (enfants, sujets âgés…) ou en cas de co-prescription avec les nombreux médicaments qui empruntent le cytochrome P450 2D6, les antalgiques empruntant eux-mêmes le cytochrome P450 2D6 doivent être prescrits avec grande précaution, selon les auteurs de ces articles. Ou, plus simplement, on peut leur préférer des analgésiques n’empruntant pas cette voie de métabolisation sujette à d’importantes variations (ex : hydromorphone, tapentadol, morphine…).
Une publication récente de Sebastiano Mercadante fait un excellent panorama des aspects cliniques liés au métabolisme des opioïdes et confirme les précautions à prendre.
Cette newsletter fera l’objet d’un article plus détaillé à paraitre dans un prochain numéro.