Une nouvelle analyse tirée de l’étude Méthaville identifie l’usage d’alcool, de cocaïne et la vie en couple comme facteurs associés aux pratiques à risque de contamination par l’hépatite C (VHC).
L’étude Méthaville a été réalisée afin d’évaluer la faisabilité de l’instauration d’un traitement par méthadone en médecine de ville. Menée entre janvier 2009 et 2010, elle a porté sur 195 patients avec pour critère principal l’abstinence aux opiacés illicites. Les résultats rendus publics fin 2014 ont montré que l’initiation en ville par un médecin généraliste formé n’est pas inférieure à l’instauration en centre.
Plus récemment, la revue Substance Abuse Treatment Prevention & Policy, a publié une autre analyse issue de Méthaville qui concerne plus spécifiquement les pratiques à risques de contamination par le VHC et les situations pour lesquelles ces pratiques étaient les plus fréquentes. L’article rappelle en introduction que la méthadone est le médicament de référence pour le traitement de la dépendance aux opiacés avec des résultats positifs tant sur la consommation d’opiacés illicites, la réinsertion sociale que sur l’amélioration du bien-être physique et psychique.
Bien que le traitement permette aussi de réduire les contaminations virales, le risque de séroconversion par le VHC peut persister du fait de la poursuite de pratiques à risques : usage de drogues par voies nasale ou intraveineuse, altération du statut mental, contexte social, partage d’aiguilles, de seringues ou de petit matériel d’injection ou encore le fait d’avoir un piercing ou un tatouage réalisé par un non-professionnel.
Dans le cadre de cette publication, les auteurs ont évalué pour 176 patients de Méthaville (pour lesquels les données étaient disponibles) la présence d’une ou de plusieurs pratiques à risques de VHC et les situations pour lesquelles elles étaient les plus fréquentes. Les données étaient recueillies par l’intermédiaire de questionnaires complétés au moment de l’entrée dans l’étude (M0) et 12 mois plus tard (M12).
Résultats
A M0 et M12, respectivement 19 % et 15 % des patients avaient des pratiques à risque de contamination. Ces dernières étaient plus fréquentes en cas :
- D’âge plus jeune (risque x 1,1)
- D’usage de cocaïne (risque x 2,5) ou d’alcool (risque x 4,2)
- De trouble suicidaire (risque x 2,4)
- Mais également de vie en couple, que ce soit avec une personne ne faisant pas usage de drogue (risque x 4) ou avec un usager de drogue (risque x 10).
Facteur supplémentaire pouvant contribuer au risque d’hépatite C : 15 % des personnes suivies n’avaient pas connaissance de leur statut sérologique.
En conclusion, les auteurs insistent sur l’importance d’identifier les personnes les plus exposées au risque d’hépatite C tels que les consommateurs de stimulants, les usagers de drogues avec une dépendance à l’alcool associée ou encore les personnes ayant des troubles suicidaires.
Les résultats de cette analyse doivent permettre d’adapter le suivi dans sa globalité avec le développement d’approche intégrant traitement de substitution opiacé et programme d’échange de seringues. Tout comme cela a été fait par le passé pour le VIH, les auteurs insistent aussi sur la nécessité de mettre à disposition des outils de prévention spécifiquement pour les couples.
Ce facteur, souvent négligé, facilite cependant par l’échange d’objet du quotidien (matériel d’hygiène corporelle, coupe-ongle…) la transmission du VHC.
Commentaire de la rédaction
Ces résultats actualisent les enseignements d’études que nous avions relayés dans nos colonnes (Van de Berg et al.; Flyer Colloque des 10 ans) (Peles et al.; Flyer 41).
La prévention de l’hépatite C ne peut s’appréhender que sous l’angle d’une stratégie globale la Réduction Des Risques & des Dommages (RDR&D).
Il n’est pas rare d’entendre des professionnels (médecins, pharmaciens, équipes soignantes) s’interroger sur la pertinence de la dispensation de matériel d’injection à une personne qui dans le même temps se voit prescrire un traitement de substitution opiacée tous les 14 ou 28 jours.
Il est indispensable de tirer les enseignements issus de la littérature : la seule stratégie ayant actuellement fait preuve d’une réduction du risque de contamination de VHC est la prescription de méthadone à une posologie suffisante (> 60 mg/jour), associée à un programme d’échange de seringue en cas de consommation de drogue par voie intraveineuse. C’est l’étude de Van Den Berg.
Il est fréquent de voir repris les résultats de cette étude dans une version ‘light’ faisant référence à une association de MSO (sans préciser lequel et dans quelles conditions, notamment en ce qui concerne la posologie) et ‘des’ mesures de réduction des risques au sens large du terme. La rigueur scientifique doit s’imposer à tous lorsqu’on évoque les résultats de cette étude importante pour l’évaluation des stratégies à mener et l’extrapolation peut être aventureuse.
Ceux qui avaient décidé il y a déjà plusieurs années de conduire l’étude Méthaville, préalable à l’élargissement de la primo-prescription de méthadone en médecine de ville, avaient comme postulat que l’augmentation de la population traitée par la méthadone, du fait de cet élargissement, pourrait avoir un impact sur l’incidence de l’hépatite C chez les usagers de drogues opiacées.